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Le Journal de l'île Rouge
Politique

« Alohalika ny ranombary »

La gazette de la grande île
14/09/202312 minute read

« Alohalika ny ranombary »
Ce 2ème coup d’Etat constitutionnel de Ntsay alias Mike Tyson est un appel direct à un coup d’Etat militaire au nom du peuple malagasy, qui est en état de légitime défense

Cette fois-ci, Ntsay alias Mike Tyson n’est pas seulement premier ministre aux pleins pouvoirs comme en 2018, il « hérite en plus » des attributions présidentielles courantes.
Quelle légitimité peut avoir ce PM non élu, contre lequel 105 députés élus avaient déjà signé une motion de censure en décembre 2022 ? Mais peu semble lui importer ce que peuvent penser les Malagasy, puisque La HCC l’a nommé chef d’Etat par intérim. Il est inamovible quoi qu’il fasse, puisqu’il ne pourra être censuré par les députés.
Que la HCC juge irrecevables les plaintes contre Cédric Menasofina pour défaut de nationalité malagasy, même si elle aurait dû saisir le tribunal de 1ère instance pour en juger, passe encore ! Cette perte de nationalité malagasy peut être éventuellement sujet à discussion, contrairement à la possession de la nationalité française par Cédric Menasofina, qui lui-même l’a confirmée.
Pourquoi la HCC n’a-t-il pas invalidé sa candidature en vertu de l’alinéa 3 de l’article 45 de la Constitution « Le président veille à la sauvegarde et au respect de la souveraineté nationale tant à l’intérieur qu’à l’extérieur ». La possession d’une nationalité autre que malagasy entraîne des obligations vis-à-vis de cet Etat, et l’empêche de respecter pleinement ses obligations de sauvegarde et de respect de la souveraineté nationale. En particulier, si cet Etat est la France avec laquelle Madagascar a les conflits territoriaux sur les îles éparses.
Une telle décision aurait d’ailleurs disqualifié tous les binationaux, quelle que soit le mode d’acquisition de cette 2ème nationalité.
Cela signifie tout simplement que la décision n°11-HCC/D3 du 9 septembre 2023 arrêtant la liste définitive des candidats est purement et simplement anticonstitutionnelle.
A l’appui de notre indignation sur cette décision inique, nous reproduisons ci-dessous une analyse faite par M. Dominique Rousseau, professeur émérite de Droit Public à L’université de la Sorbonne, intitulée « Vouloir pour son pays implique d’avoir uniquement la nationalité de son pays »
Telle est la situation actuelle : un chef d’Etat par intérim nommé qui passe par-dessus la tête des élus. Et une décision de la HCC, manifestement anticonstitutionnelle, qui n’est malheureusement susceptible d’aucun recours compte tenu de l’alinéa 3 de l’article 120 de la Constitution. « Alohalika ny ranombary (Trop, c’est trop) » !
Vers qui peut se tourner la population pour dénouer cette situation abracadabrante, rocambolesque, inadmissible, sinon vers l’Armée « Tandroka miaro ny vozony » (les cornes qui défendent le cou du taureau). Les patrons de l’EMMONAT (Etat Major Mixe Opérationnel National) , le DG de la police nationale, le Chef d’Etat major des armées et le commandant de la gendarmerie, n’ont-ils pas pondu le 1er septembre 2023 un communiqué ? Ils y affirmaient « Tsy misy rafitra na iza na iza ihany koa afaka misora-tena handrombaka ny fiandrianan’ny vahoaka (souveraineté populaire). Sarotiny amin’ny fampanajana izany voalazan’ny lalàna fototra izany ny mpitandro filaminana  » . Traduction : « Aucune organisation ni quiconque ne peut prétendre usurper la souveraineté du peuple. Les forces de l’ordre seront inflexibles pour l’application stricte de la Constitution ».
Nous y voilà ! Alors, que l’EMMONAT prenne ses responsabilités et défende le peuple et ses représentants élus, contre les dérives dictatoriales des membres de la HCC et de ce gouvernement qui assure collégialement l’intérim du président de la République. La population est en état de légitime défense.
Le CAPSAT a bien pris ses responsabilités en 2009. Quelle unité de l’armée a-t-elle encore une once de dignité pour refuser d’avoir un chef suprême ayant la nationalité de l’ancien colonisateur ? Quelle unité de l’armée osera enfin se dresser contre ces incompétents et corruptibles membres de la HCC, qui ont osé prendre une décision inique anticonstitutionnelle ? Et qui a osé mettre à la tête de l’Etat un PM déjà rejeté par la majorité des députés, et responsable de la disparition de l’or dans les coffres du ministère des mines (déjà pendant son intérim de ce ministère. Imaginez ce qu’il va pouvoir faire pendant l’intérim de la présidence de la République) !
Le peuple attend et espère cette intervention de nos militaires conscientisés et patriotes
Analyse du professeur émérite de de droit public
VOULOIR POUR SON PAYS IMPLIQUE D’AVOIR UNIQUEMENT LA NATIONALITE DE SON PAYS
 Être Président de la République, c’est vouloir pour la Nation, c’est incarner la Nation, c’est être, au sens fort du terme, la Nation. Pour cette haute raison, le constituant souverain exige que celui va parler et vouloir en son nom ait la nationalité de son pays et aucune autre. C’est le bon sens même et il n’est pas interdit au Droit de faire preuve aussi de bon sens. C’est pourquoi, toutes les constitutions font de la nationalité une condition de l’éligibilité d’un candidat à l’élection présidentielle. Ainsi de la constitution malgache qui, en son article 46 ; dispose que « tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malagazy ». Alors que souvent on se plaint de l’ambiguïté des termes juridiques, ici la rédaction est simple, claire et sans équivoque. Cette exigence de nationalité repose sur un fondement constitutionnel solide et implique en conséquence un contrôle plein et entier de la Haute Cour constitutionnelle
Le fondement constitutionnel de la condition de nationalité
On ne peut incarner la nation malgache que si on a la nationalité malgache. Dans l’organisation constitutionnelle de la République de Madagascar, l’article 46 de la Constitution liste ses compétences en faisant du Président le garant du fonctionnement régulier et continu des pouvoirs publics, de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale et de l’unité nationalité. Au surplus, le Président doit veiller à la sauvegarde et au respect de la souveraineté nationale tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, il est le garant de la continuité de la vie de la Nation. Cette figure particulière s’accompagne de compétences propres comme le fait qu’il soit le chef des armées (article 56), qu’il accrédite les ambassadeurs (article 57) ou encore qu’il négocie et ratifie les traités (article 137). Ce rôle du Chef de l’État impose que ce dernier ait la nationalité de l’État pour lequel il a pour mission d’assurer l’indépendance nationale et d’exprimer la souveraineté.
Une telle limite ne peut être conçue comme une rupture d’égalité dans la mesure où le candidat à l’élection présidentielle est dans une situation particulière par rapport aux autres citoyens. C’est la particularité de la fonction présidentielle, à savoir exercer une charge engageant la souveraineté de la Nation, qui justifie que ne puisse être candidat à l’élection présidentielle malgache qu’un citoyen ayant la nationalité malgache. Un Président binational sera systématiquement accusé ou pire soupçonné de partialité dans la conduite des relations avec l’autre État dont il possède la nationalité. Un adage bien connu suivant lequel « la justice ne doit pas seulement être dite, elle doit également donner le sentiment qu’elle a été bien rendue » peut parfaitement être transposé à la situation du Président de la République. Un Président ne doit pas seulement exercer la souveraineté nationale, il doit donner le sentiment qu’il exerce bien la souveraineté nationale, en toute impartialité. La combinaison de l’article 46 de la Constitution et de l’article 42 du code de la souveraineté nationale est la conséquence logique et nécessaire pour assurer l’impartialité subjective du Président de la République. Ce dernier doit donner le sentiment que les décisions qui sont prises à l’intérieur comme à l’extérieur sont prises seulement au regard de nécessités qui gouvernent la République de Madagascar. Or, si le Président conserve la nationalité malgache et la nationalité française, une partialité subjective pèsera a minima sur l’exercice de ses fonctions.
Sans doute, dans un arrêt du 11 avril 1955 Nottebohm, la Cour internationale de justice a développé l’idée qu’en cas de conflits juridiques naissants d’une situation de double nationalité il faut faire prévaloir « la nationalité effective : celle qui concorde avec la situation de fait, qui repose sur un lien de fait supérieur entre l’intéressé et l’un des États dont la nationalité est en cause ». Mais cette décision n’a pas de portée générale et n’est pas transposable en l’espèce. Dans l’affaire de 1955, il s’agissait non pas d’une question de conflit de nationalité mais d’une question relative à la protection diplomatique par les Etats, en l’espèce, le Liechtenstein. Dans le cas de Mr Andry Rajoelina il s’agit de l’acquisition volontaire pour lui et sa famille de la nationalité française. Il en ressort que la décision Nottebohm ne peut être un précédent juridiquement pertinent pour apprécier la situation de M. Andry Rajoelina.
La compétence nécessaire de la Haute Cour constitutionnelle
La Haute Cour constitutionnelle peut intervenir à deux étapes de la procédure pour examiner le respect de ces conditions d’éligibilité. D’une part, a priori, la Haute Cour doit dire si les candidats remplissent effectivement les conditions requises par la Constitution. D’autre part, a posteriori, au regard de l’article 116 4° de la Constitution, la Haute Cour constitutionnelle est compétente pour connaître des contentieux relatifs à l’élection présidentielle. Toutefois, elle ne peut être saisie que dans un délai de deux jours après la publication des résultats provisoires par la Commission Électorale Nationale Indépendante. L’existence de deux contrôles a priori et a posteriori atteste du caractère contraignant et opposable des conditions fixées par l’article 46 de la Constitution et du caractère décisif de la compétence de la Haute Cour. Le constituant a fait de la Haute Cour le garant de la loyauté et de la sincérité de l’élection présidentielle, ce qui, dans le contexte actuel, est particulièrement important pour la garantie de l’Etat de droit et de la démocratie. La décision du 22 août 2023 concernant une requête aux fins d’invalidation d’une candidature à l’élection présidentielle de 2018, parfois citée, ne peut constituer un précédent pour plusieurs raisons. Tout d’abord, d’un point de vue purement temporel, si la Haute Cour constitutionnelle décidait de surseoir à statuer le temps pour saisir le tribunal de première instance ou la section on se trouverait face à un risque sérieux qu’avant la date de l’élection du Président de la République, le 9 novembre 2023, le tribunal de première ne ce soit pas prononcé sur la contestation de la nationalité malgache de M. Andry Rajoelina. La sincérité du scrutin électoral serait discutée et ouvrirait la voie à une série infinie de contestations qui fragiliserait non seulement le président élu mais l’ensemble du régime constitutionnel Ensuite, et surtout, il n’est pas question en l’espèce de la contestation (pour reprendre les termes de l’article 67 du code de la nationalité) de la nationalité malgache du candidat à l’élection présidentielle puisque, par l’acquisition de la nationalité française en novembre 2014, M. Andry Rajoelina a automatiquement perdu la nationalité malgache. Par suite, la Haute Cour constitutionnelle n’a aucunement à apprécier si M. Andry Rajoelina a perdu sa nationalité, il s’agit d’une simple constatation qui est au demeurant d’ordre public. La Haute Cour constitutionnelle ne peut pas s’exonérer de cette compétence, il est nécessaire qu’elle exerce pleinement son rôle de gardien juridictionnel du respect des dispositions constitutionnelles. Enfin, la compétence de la Haute Cour constitutionnelle est indispensable pour lever tout soupçon sur la campagne électorale ainsi que sur l’éventuel mandat de M. Andry Rajoelina. Si la Haute Cour constitutionnelle refusait de se prononcer sur le respect des conditions de l’article 46 de la Constitution, la controverse entourant la candidature de M. Andry Rajoelina ne prendrait pas fin. Il lui appartient, et à elle seule, d’effectuer un tel contrôle pour clarifier la situation administrative du candidat. Un tel contrôle aura indubitablement le mérite d’apaiser la campagne électorale et de garantir la sincérité du scrutin qui est un principe indispensable pour le respect des opérations électorales.
Pour toutes ces raisons, la candidature M. Andry Rajoelina ne répond pas aux conditions d’éligibilité définies par les dispositions de l’article 46 de la Constitution. Par l’acquisition volontaire de la nationalité française le 19 novembre 2014, M. Andry Rajoelina a perdu automatiquement la nationalité malgache. Par suite, il ne remplit plus les conditions cumulatives et impératives fixées par la Constitution pour être candidat à l’élection présidentielle.

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