Combien de fois Rajoelina Vazaha s’était qualifié de président visionnaire? Combien de fois avait-il emprunté les paroles de Jésus: “Ce que je fais, tu ne le comprends pas maintenant, mais tu le comprendras bientôt“ (Jean 13: 7)?
En novembre 2022, lors du forum des investisseurs pour l’émergence de Madagascar, afin de faire décoller le tourisme dans la Grande Ile, Rajoelina Vazaha voulait faire venir des girafes, des zèbres et des éléphants afin d’organiser des safaris. Il a même annoncé l’exonération de taxes pour ceux qui importeront ces animaux.
Beaucoup en avaient rigolé et avaient qualifié l’idée d’hérésie pour les défenseurs de la biodiversité. Le pasteur Zaka avait même “ridiculisé“ Rajoelina Vazaha, lors d’un sermon prononcé au coliseum, en parlant de cette importation d’éléphant qui a d’énormes besoins d’eau, alors même qu’on n’en avait déjà pas assez pour la population.
Le 1 er mai dernier, la police thaïlandaise annonçait la saisie dans le sud de la Thaïlande de 48 tortues et de 1 076 tortues malagasy, transportées dans des camions.
Autrefois considérée comme l’une des tortues les plus abondantes au monde, avec une population estimée à 12 millions d’individus (en 2000), la tortue radiée, espèce emblématique de Madagascar, est maintenant classée en danger critique d’extinction sur la Liste rouge de l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature), et pourrait disparaître à l’état sauvage dans les 20 prochaines années.
L’aepyornis ou l’oiseau-éléphant, qui mesurait de 3 à 3,5 mètres de haut et pesait de 350 à 500 kg, vivait uniquement à Madagascar avant son extinction. Les légendes malagasy en parlait sous le nom de “Vorompatra“.
Admettez-vous maintenant que Rajoelina Vazaha est effectivement un vrai visionnaire?
Il voulait dès 2022 déjà importer des éléphants, afin de remplacer les tortues radiées et les oiseaux-éléphants, car il avait sans doute déjà prévu à l’avance la disparition prochaine des tortues radiées et des lémuriens.
Des frontières passoires
Ce n’est que 4 jours après la saisie en Thaïlande des lémuriens et des tortues, que les autorités malagasy se sont enfin manifestées en la personne du jeune ministre de l’environnement (qui semblait un peu dépassé par les évènements) et le directeur général des douanes.
4 suspects auraient été placés en garde à vue sans plus de détails, ni leurs noms, ni leurs nationalités. En revanche, la police thaïlandais a communiqué le nom de 6 suspects arrêtés: Pichitpol Sriduangmaneechai, 31 ans; Chitrin Phumali, 39 ans; Ongarj Sriduangmaneechai, 29 ans; Wiriyaorn Phumali, 39 ans; MrThaweepong Champathong, 43 ans; et Chuthamas Chitchaeng, 33ans.
Sans ces saisies en Thaïlande, on n’en aurait jamais entendu parler comme les exportations illicites d’or. Il a fallu que ce soit les autres pays comme Maurice, les Comores, les Seychelles ou l’Afrique du Sud, qui les avaient découvertes.
Ou comme les cargaisons de bois de rose saisies à Singapour ou au Kenya et en Tanzanie.
Coïncidence! Transparency International Initiative Madagascar vient d’attribuer le 1er prix de la meilleure vidéo d’investigation anti-corruption, pour leur enquête “Fanondranana hamorain’ny kolikoly: loza mitatao ho an’ny sokatra“ (traduction libre: Exportations facilitées par la corruption : Danger de disparition imminente pour les tortues): https://youtu.be/x-xoYghFZtI?si=h6MY_OeqL7NjeIp_ .
L’affaire Romy, dont nous attendons les suites pour le 12 mai prochain, n’a jamais fait l’objet d’enquête judiciaire à Madagascar! Et tout est à l’avenant: la Justice est uniquement pour l’opposition, et les dirigeants ne se sentent pas obligés de rendre des comptes à leurs électeurs.
La liberté de la presse
En 2018, juste avant l’arrivée de Rajoelina Vazaha à la tête du pays, en matière de liberté de la presse Reporters sans Frontières classait Madagascar en 54 ème position avec un score de 73,8.
En 2024, Madagascar a chuté à la 100 ème place avec un score de 54,07, n’en déplaise à Rajoelina Vazaha et son slogan “Madagascar tsy maintsy mandroso“.
Le Secrétaire Général des Nations Unies, M. António Guterres, vient de rappeler que “sans liberté de la presse, il ne peut y avoir de liberté véritable. Il a appelé les gouvernements, le secteur privé et la société civile à soutenir la liberté de la presse qui est non seulement un droit fondamental mais aussi une nécessité absolue. Sans faits, nous ne pouvons lutter contre les informations fausses et trompeuses. Sans obligation de rendre des comptes, nous n’aurons pas de politiques solides. Sans liberté de la presse, nous n’aurons aucune liberté. La liberté de la presse n’est pas un choix, c’est une nécessité“.
Tout y est dit, mais il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. La dérive dictatoriale actuelle du pouvoir serait pire sans la presse, malgré les auto-censures de nombreux journalistes.
Avoir interrogé un opposant politique au régime avait valu au journaliste Gascar d’avoir été convoqué à la gendarmerie de Fiadanana, la Gestapo du régime, pour “affaires le concernant“.
Avoir donné le scoop de la nationalité française de Rajoelina Vazaha a valu quelques années de prison à notre PDG Lola Rasoamaharo. Pire, cela a valu la confiscation par tous les moyens des matériels du journal La Gazette de la Grande Île et la disparition du journal papier.
Et la Gestapo de Rajoelina Vazaha qui ne respecte même plus la franchise universitaire, et va jusqu’à aller tabasser à plusieurs des manifestants inoffensifs arrêtés!
Pendant ce temps, pas de forces de l’ordre pour arrêter les exportations illicites ou assurer la sécurité de la population.
Jusqu’à quand ce régime tiendra encore? Vivement le printemps malagasy!
