Dans un monde où la donnée est devenue l’une des ressources les plus précieuses , la matière première de la nouvelle économie moderne, Madagascar risque de rater le train de l’avenir si elle ne saisit pas cette opportunité. Pourtant, tous les signaux sont au vert pour faire du pays un acteur stratégique dans l’économie numérique régionale.
Selon le Digital Report 2025, seulement 20,4 % des Malgaches, soit 6,6 millions de personnes, ont actuellement accès à Internet. Un chiffre encore faible, mais en constante progression. Ce taux de pénétration numérique représente à la fois un défi urgent et une formidable opportunité pour une nation en quête de croissance durable.
L’or noir du XXIe siècle
Les données numériques, autrefois considérées comme de simples statistiques, sont aujourd’hui comparées à l’or noir. Elles influencent la gouvernance, guident les politiques publiques, optimisent les soins de santé, renforcent la cybersécurité et dynamisent les stratégies économiques. Dans le secteur privé, elles permettent aux entreprises d’affiner leurs offres, d’anticiper les besoins des consommateurs et de maximiser leur rentabilité.
À l’échelle mondiale, les États qui maîtrisent la donnée dominent l’innovation, attirent les investissements et façonnent l’ordre économique. Dans ce contexte, Madagascar doit accélérer sa transition numérique et miser sur les données comme levier de développement.
Une connectivité stratégique
Le pays est déjà interconnecté au monde grâce à plusieurs câbles sous-marins stratégiques, assurant une liaison stable et rapide pour les services internet et téléphoniques. Ces infrastructures sont la colonne vertébrale de la révolution numérique malgache. Elles permettent de réduire l’isolement insulaire et d’ouvrir des perspectives économiques majeures, notamment pour les services à distance, l’exportation numérique et l’innovation technologique.
L’intelligence artificielle : une opportunité encore sous-exploitée
À l’heure où l’intelligence artificielle (IA) franchit des seuils technologiques sans précédent, les données deviennent encore plus cruciales. L’IA a déjà dépassé les capacités humaines dans des domaines comme la reconnaissance vocale, la prédiction comportementale ou l’analyse d’images. Elle s’annonce comme un levier de productivité inédit pour les économies qui sauront en tirer parti.
Madagascar n’est pas totalement en marge de cette dynamique. Certaines initiatives méritent d’être saluées, comme la création de l’Institut International d’Intelligence Artificielle, en partenariat avec la France, la mise en place d’une plateforme d’intelligence artificielle dédiée aux industriels malgache ou encore l’appui du FMI à la douane malgache pour améliorer l’efficacité, la précision et la transparence des opérations grâce à l’IA. La douane malgache est aujourd’hui la première institution publique à intégrer concrètement l’intelligence artificielle dans ses processus.
Mais à côté de ces avancées, Madagascar est aussi devenu un fournisseur de main-d’œuvre bon marché pour l’industrie mondiale de l’IA. Des milliers de jeunes Malgaches, souvent sous-payés et dans des conditions de travail précaires, sont employés par des entreprises internationales pour effectuer des tâches répétitives et minutieuses d’annotation de données – essentielles à l’entraînement des algorithmes d’intelligence artificielle.
Si ces projets participent à l’ancrage de l’IA sur le sol malgache, ils génèrent peu de valeur ajoutée locale. Avec une vision politique forte, Madagascar pourrait capter bien plus de bénéfices économiques en se positionnant comme créateur de solutions basées sur l’IA, et non plus seulement comme prestataire de tâches à faible valeur.
Une urgence stratégique
Dans un pays où près de 80 % de la population n’est pas encore connectée, le retard numérique pourrait se transformer en fracture structurelle si rien n’est fait. À l’inverse, une politique volontariste pourrait transformer Madagascar en hub numérique de l’océan Indien.
Encourager les start-up locales, investir dans les talents, moderniser l’administration via le digital, et surtout, garantir un accès équitable et sécurisé à la data : telles sont les conditions d’une renaissance numérique à la malgache.
Et pour conclure : un impératif national
Madagascar n’a pas le luxe de rester spectateur, ni d’être un simple consommateur dans l’économie numérique mondiale.
Les données sont la nouvelle frontière de la souveraineté économique. Dans une ère où l’intelligence artificielle et la connectivité redessinent les rapports de force, il est vital que le pays prenne sa place parmi les acteurs de cette transformation.
Nous lançons un appel clair et ferme aux autorités malgaches : faites des données une priorité nationale, portée par une gouvernance transparente et exemplaire.
Il est temps de bâtir une stratégie numérique ambitieuse, dotée d’un cadre légal moderne, de financements publics ciblés, et de programmes d’éducation numérique massifs.
La création d’une agence nationale dédiée aux données et à l’intelligence artificielle n’est plus une option : c’est une nécessité stratégique. Le potentiel est là. Ce qu’il faut maintenant, c’est du courage politique, de la vision et une volonté d’agir.
L’avenir économique de Madagascar en dépend.
