Rija Rasolondraibe, chanteur évangélique connu à Madagascar, se trouve aujourd’hui dans une position inconfortable, victime d’une prophétie qu’il aurait lui-même forgée. Il y a quelques années, lors d’un live diffusé à la télévision nationale et organisé par la Présidence de Madagascar, cet artiste respecté dans le domaine religieux avait déclaré devant des milliers de personnes que, dans ses rêves, Dieu lui aurait montré Andry Rajoelina, actuel président de Madagascar, comme étant le dirigeant choisi pour mener le pays. Ces propos, tenus dans un pays laïque selon sa Constitution, ont pris une résonance particulière parmi la population, déjà en quête d’espoir et de changement. En tant qu’artiste respecté, et figure publique, Rija Rasolondraibe a su toucher une corde sensible chez ses compatriotes, d’autant plus que le peuple malgache accorde souvent beaucoup de crédit à des figures spirituelles ou médiatiques lorsqu’elles évoquent des messages supposément divins.
Mais aujourd’hui, cette prophétie a tourné au cauchemar, non seulement pour le pays, mais aussi pour son auteur. Madagascar est actuellement plongé dans une situation économique, sociale et politique alarmante. La population souffre des conséquences de l’instabilité, de la mauvaise gestion et de l’inefficacité gouvernementale. Quant à Rija Rasolondraibe, il ne cache plus sa déception et sa frustration face à la situation catastrophique dans laquelle Madagascar se trouve aujourd’hui. Ironiquement, il déplore maintenant les actions et les décisions de celui qu’il avait lui-même prophétisé comme étant l’élu de Dieu pour diriger la nation.
Ce revirement met en lumière une réalité troublante : la place et l’impact des figures religieuses et médiatiques dans la politique malgache. Lorsque Rija Rasolondraibe avait affirmé que Rajoelina avait reçu une mission divine, il avait sans doute sous-estimé l’ampleur des attentes qu’il créait parmi la population. Dans un pays où la précarité est une réalité quotidienne pour beaucoup, la moindre lueur d’espoir, même symbolique, peut se transformer en une croyance profondément ancrée. Ce phénomène de messianisme politique n’est pas nouveau à Madagascar, où la ligne entre la religion et la politique est souvent floue.
Le chanteur est désormais confronté à ses propres contradictions. Ayant joué un rôle dans la légitimation spirituelle de Rajoelina, il subit, comme tant d’autres Malgaches, les conséquences de cette gouvernance d’incompétent. L’ironie est amère : celui qui avait annoncé la venue d’un « sauveur » se retrouve maintenant à déplorer le naufrage du pays sous la direction de ce même homme.
La question qui se pose désormais est celle de la responsabilité de ceux qui, par leurs paroles, influencent l’opinion publique. Rija Rasolondraibe, en prophétisant une mission divine pour un dirigeant politique, a joué avec la foi et l’espoir de nombreux Malgaches. Cette situation met en garde contre les dangers des discours qui mélangent religion et politique, en particulier dans un contexte où la population est vulnérable aux promesses de rédemption spirituelle face à des crises bien réelles.
En fin de compte, Rija Rasolondraibe incarne aujourd’hui une figure tragique, victime de sa propre prophétie. Son rêve de voir Madagascar dirigé par un « élu de Dieu » s’est transformé en un cauchemar collectif. L’histoire nous montre une fois de plus que les faux prophètes finissent souvent par être rattrapés par leurs propres prédictions, et Rija Rasolondraibe n’en est que le dernier exemple.
Rija Rasolondraibe : Quand un faux prophète devient victime de ses propres prédictions
La gazette de la grande île
05/10/2024•3 minute read
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