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Le Journal de l'île Rouge
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Madagascar, un Etat failli

La gazette de la grande île
09/05/20236 minute read

Gasy Tapany a enfin avoué les graves problèmes de trésorerie du gouvernement, ce qui d’ailleurs n’était plus qu’un secret de Polichinelle. L’utilisation par le budget des tranches de la FEC n’a fait que reculer l’échéance, d’autant plus que la chute de la quantité de vanille exportée a aggravé la situation.
Les longues heures actuelles de délestages dans toute l’île, faute de livraison de carburants par les pétroliers non enclins à augmenter davantage les arriérés dus par l’Etat, sont un des premiers signes de cette défaillance de l’Etat. Même le groupe Henri Fraise et Cie, partenaire fidèle de longue date de l’Etat malgache, a décidé d’arrêter les frais en arrêtant toutes ses unités de production d’électricité. Bref, ça sent le roussi et les rats quittent le navire. On comprend mieux la démission du gouverneur de la Banque Centrale Henri Rabarijohn qui ne voulait sans doute pas endosser ce bilan.

Quelques jours avant le 1er mai 2022, Rajoelina avait médiatisé la convocation des représentants du patronat malagasy. L’augmentation de 9,9% du salaire minimum d’embauche (SME), portant celui-ci de 217 000 à 238 000 ariary par mois, négociée entre les partenaires sociaux, a été jugée insuffisante par Gasy Tapany. Il a décidé de le porter à 250 000 ariary, le complément devant être pris en charge par le Trésor public. Seulement, le décret n°2022-626 parle d’un SME de 250 000 ariary à titre exceptionnel pour l’année 2022, laissant persister le flou sur le sort du SME en 2023. https://fisema.mg/download/decret-et-arrete-relatifs-a-la-fixation-du-salaire-minimum-dembauche-s-m-e-2022/ .
Le patronat a pris début 2023 la décision de fixer le SME à 238 000 ariary, sans que cela n’ait été constaté par un décret. Afin de maintenir les 250 000 ariary, le ministère du travail leur avait laissé espérer la prise en charge par le budget du complément de 12 000 ariary, soit un montant d’environ 20 milliards ariary à inscrits dans la Loi des Finances Initiale.

On a appris que Gasy Tapany a reçu (en catimini cette fois) le patronat malagasy le 24 avril 2023. On comprend qu’il n’y ait eu aucun communiqué officiel de cette rencontre au cours de laquelle Gasy Tapany a annoncé que l’Etat a de graves problèmes de trésorerie et ne pourra pas prendre en charge le complément de 12 000 ariary pour le SME. Il a été décidé que le SME sera abaissé rétroactivement au 1er janvier 2023 à 238 000 ariary. Néanmoins, le patronat aurait accepté de prendre en charge le complément de 12 000 ariary sous forme d’accessoires.
Gasy Tapany a réitéré les problèmes de trésorerie qui ne permettent pas à l’Etat de régler les arriérés de TVA des entreprises franches, ni ceux des fournisseurs du Fonds routier. Il a laissé entendre que la situation s’améliorera lorsque la Banque Mondiale aura débloqué début juin 2023 l’aide budgétaire de 100 millions de dollars.

Gasy Tapany a réussi en 4 ans à faire de Madagascar un Etat failli, ce qu’aucun autre président avant lui n’a pas fait depuis 60 ans !
 Un Etat est qualifié « d’Etat failli », lorsqu’il est dans une situation de faillite financière ou bien lorsqu’il est défaillant, au sens où il ne parvient plus à assurer ses fonctions régaliennes.
Cette notion d’Etat défaillant (failed state) fait allusion à l’impossibilité des autorités nationales de garantir le fonctionnement normal des institutions étatiques, le maintien de l’ordre public et de l’Etat de droit.
L’emprisonnement de Lola Rasoamaharo, patron de la Gazette de la Grande Île jugée trop critique de Gasy Tapany, suivie de la saisie de tous les outils de travail du journal (ce qui est contraire au code du travail) privant de travail tous les employés, est un exemple de dysfonctionnement de l’appareil judiciaire.
L’interdiction verbale par le ministre de l’Intérieur de toutes réunions publiques (sauf celles en faveur de l’exécutif) ailleurs que dans un bâtiment, contrevient manifestement à la loi 60-082 relative aux réunions publiques et aux manifestations sur la voie publique, ne serait-ce parce que cette instruction verbale n’a même pas été formalisée par un décret ou un arrêté. D’ailleurs, cela n’a pas manqué de faire réagir toutes les ambassades occidentales, sans résultat.
C’est ainsi par exemple que le député Siteny a été empêché de prendre un avion privé pour rejoindre Mahajanga le weekend dernier. Un remake de ce qu’a fait subir à Gasy Tapany en 2018, Rajaonarimampianina. Mais au moins, il avait pu prendre un vol de Tsaradia contrairement à Siteny qui a dû y aller par la route.
Pour son Mihava Tour à Mahajanga, Siteny avait prévu de tenir sa rencontre avec la population dans l’usine SIB du groupe Barday. Un appel de la Présidence a menacé de faire rayer du registre du commerce cette société, si elle persistait à louer leur bâtiment à Siteny , obligeant ce dernier à se rabattre sur un autre bâtiment du côté d’Amborovy.
A 10 km de Mahajanga, un barrage a été érigé par des gendarmes pour arrêter le cortège Siteny. Le député Voninahitsy a lui-même enlevé la herse placée en travers de la route, ce qui a failli faire dégénérer la situation. Les bus ont été interdits de transporter les pro-Siteny du centre-ville de Mahajanga à Amborovy, obligeant ces derniers à y aller à pied ou en bajaj.
Ces deux faits ne font que confirmer que Madagascar n’est plus un Etat de droit.  Il ne peut même plus assurer le financement des élections présidentielles ( ne parlons même pas des élections communales). C’est ainsi qu’on apprend par notre confrère Africa Intelligence, que Gasy Tapany a discrètement rencontré le 24 avril 2023 les chancelleries occidentales pour évoquer justement le financement des élections dont Gasy Tapany n’a même pas pu préciser le montant.
Lorsque la question du recul des libertés fondamentales a été évoquée, Patrick Rajoelina le pitbull de Gasy Tapany, revenu comme conseiller diplomatique, après avoir été remercié du poste de MAE, a fait sourire les diplomates présents lorsqu’il les a accusés d’ingérence dans les affaires intérieures. Le financement des élections ne relèverait-il pas des affaires intérieures d’un Etat ? Aucun professionnalisme !

Ce régime est défaillant et fera probablement place à un gouvernement transitoire sans sa participation, tant il semble incapable de faire face à ses responsabilités régaliennes, ses décisions semblant uniquement dictées par la panique générale des divers responsables.
Cela paraît inéluctable !

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