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Le Journal de l'île Rouge
Politique

VOULOIR POUR SON PAYS IMPLIQUE D’AVOIR UNIQUEMENT LA NATIONALITE DE SON PAYS

La gazette de la grande île
08/09/20238 minute read

          Être Président de la République, c’est vouloir pour la Nation, c’est incarner la Nation, c’est être, au sens fort du terme, la Nation. Pour cette haute raison, le constituant souverain exige que celui va parler et vouloir en son nom ait la nationalité de son pays et aucune autre. C’est le bon sens même et il n’est pas interdit au Droit de faire preuve aussi de bon sens. C’est pourquoi, toutes les constitutions font de la nationalité une condition de l’éligibilité d’un candidat à l’élection présidentielle. Ainsi de la constitution malgache qui, en son article 46 ; dispose que « tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malagazy ». Alors que souvent on se plaint de l’ambiguïté des termes juridiques, ici la rédaction est simple, claire et sans équivoque. Cette exigence de nationalité repose sur un fondement constitutionnel solide et implique en conséquence un contrôle plein et entier de la Haute Cour constitutionnelle

  1. Le fondement constitutionnel de la condition de nationalité

 

On ne peut incarner la nation malgache que si on a la nationalité malgache. Dans l’organisation constitutionnelle de la République de Madagascar, l’article 46 de la Constitution liste ses compétences en faisant du Président le garant du fonctionnement régulier et continu des pouvoirs publics, de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale et de l’unité nationalité. Au surplus, le Président doit veiller à la sauvegarde et au respect de la souveraineté nationale tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, il est le garant de la continuité de la vie de la Nation. Cette figure particulière s’accompagne de compétences propres comme le fait qu’il soit le chef des armées (article 56), qu’il accrédite les ambassadeurs (article 57) ou encore qu’il négocie et ratifie les traités (article 137). Ce rôle du Chef de l’État impose que ce dernier ait la nationalité de l’État pour lequel il a pour mission d’assurer l’indépendance nationale et d’exprimer la souveraineté.

Une telle limite ne peut être conçue comme une rupture d’égalité dans la mesure où le candidat à l’élection présidentielle est dans une situation particulière par rapport aux autres citoyens. C’est la particularité de la fonction présidentielle, à savoir exercer une charge engageant la souveraineté de la Nation, qui justifie que ne puisse être candidat à l’élection présidentielle malgache qu’un citoyen ayant la nationalité malgache. Un Président binational sera systématiquement accusé ou pire soupçonné de partialité dans la conduite des relations avec l’autre État dont il possède la nationalité. Un adage bien connu suivant lequel « la justice ne doit pas seulement être dite, elle doit également donner le sentiment qu’elle a été bien rendue » peut parfaitement être transposé à la situation du Président de la République. Un Président ne doit pas seulement exercer la souveraineté nationale, il doit donner le sentiment qu’il exerce bien la souveraineté nationale, en toute impartialité. La combinaison de l’article 46 de la Constitution et de l’article 42 du code de la souveraineté nationale est la conséquence logique et nécessaire pour assurer l’impartialité subjective du Président de la République. Ce dernier doit donner le sentiment que les décisions qui sont prises à l’intérieur comme à l’extérieur sont prises seulement au regard de nécessités qui gouvernent la République de Madagascar. Or, si le Président conserve la nationalité malgache et la nationalité française, une partialité subjective pèsera a minima sur l’exercice de ses fonctions.

Sans doute, dans un arrêt du 11 avril 1955 Nottebohm, la Cour internationale de justice a développé l’idée qu’en cas de conflits juridiques naissants d’une situation de double nationalité il faut faire prévaloir « la nationalité effective : celle qui concorde avec la situation de fait, qui repose sur un lien de fait supérieur entre l’intéressé et l’un des États dont la nationalité est en cause ». Mais cette décision  n’a pas de portée générale et n’est pas transposable en l’espèce. Dans l’affaire de 1955, il s’agissait non pas d’une question de conflit de nationalité mais d’une question relative à la protection diplomatique par les Etats, en l’espèce, le Liechtenstein. Dans le cas de Mr  Andry Rajoelina il s’agit de l’acquisition volontaire pour lui et sa famille de la nationalité française. Il en ressort que  la décision Nottebohm ne peut être un précédent juridiquement pertinent pour apprécier la situation de M. Andry Rajoelina.

 

  1. La compétence nécessaire de la Haute Cour constitutionnelle

 

La Haute Cour constitutionnelle peut intervenir à deux étapes de la procédure pour examiner le respect de ces conditions d’éligibilité. D’une part, a priori, la Haute Cour doit dire si les candidats remplissent effectivement les conditions requises par la Constitution. D’autre part, a posteriori, au regard de l’article 116 4° de la Constitution, la Haute Cour constitutionnelle est compétente pour connaître des contentieux relatifs à l’élection présidentielle. Toutefois, elle ne peut être saisie que dans un délai de deux jours après la publication des résultats provisoires par la Commission Électorale Nationale Indépendante. L’existence de deux contrôles a priori et a posteriori atteste du caractère contraignant et opposable des conditions fixées par l’article 46 de la Constitution et du caractère décisif de la compétence de la Haute Cour. Le constituant a fait de la Haute Cour le garant de la loyauté et de la sincérité de l’élection présidentielle, ce qui, dans le contexte actuel, est particulièrement important pour la garantie de l’Etat de droit et de la démocratie. La décision du 22 août 2023 concernant une requête aux fins d’invalidation d’une candidature à l’élection présidentielle de 2018, parfois citée, ne peut constituer un précédent pour plusieurs raisons. Tout d’abord, d’un point de vue purement temporel, si la Haute Cour constitutionnelle décidait de surseoir à statuer le temps pour saisir le tribunal de première instance ou la section on se trouverait face à un risque sérieux qu’avant la date de l’élection du Président de la République, le 9 novembre 2023, le tribunal de première ne ce soit pas prononcé sur la contestation de la nationalité malgache de M. Andry Rajoelina. La sincérité du scrutin électoral serait discutée et ouvrirait la voie à une série infinie de contestations qui fragiliserait non seulement le président élu mais l’ensemble du régime constitutionnel Ensuite, et surtout, il n’est pas question en l’espèce de la contestation (pour reprendre les termes de l’article 67 du code de la nationalité) de la nationalité malgache du candidat à l’élection présidentielle puisque, par l’acquisition de la nationalité française en novembre 2014, M. Andry Rajoelina a automatiquement perdu la nationalité malgache. Par suite, la Haute Cour constitutionnelle n’a aucunement à apprécier si M. Andry Rajoelina a perdu sa nationalité, il s’agit d’une simple constatation qui est au demeurant d’ordre public. La Haute Cour constitutionnelle ne peut pas s’exonérer de cette compétence, il est nécessaire qu’elle exerce pleinement son rôle de gardien juridictionnel du respect des dispositions constitutionnelles. Enfin, la compétence de la Haute Cour constitutionnelle est indispensable pour lever tout soupçon sur la campagne électorale ainsi que sur l’éventuel mandat de M. Andry Rajoelina. Si la Haute Cour constitutionnelle refusait de se prononcer sur le respect des conditions de l’article 46 de la Constitution, la controverse entourant la candidature de M. Andry Rajoelina ne prendrait pas fin. Il lui appartient, et à elle seule, d’effectuer un tel contrôle pour clarifier la situation administrative du candidat. Un tel contrôle aura indubitablement le mérite d’apaiser la campagne électorale et de garantir la sincérité du scrutin qui est un principe indispensable pour le respect des opérations électorales.

Pour toutes ces raisons, la candidature M. Andry Rajoelina ne répond pas aux conditions d’éligibilité définies par les dispositions de l’article 46 de la Constitution. Par l’acquisition volontaire de la nationalité française le 19 novembre 2014, M. Andry Rajoelina a perdu automatiquement la nationalité malgache. Par suite, il ne remplit plus les conditions cumulatives et impératives fixées par la Constitution pour être candidat à l’élection présidentielle.

Dominique Rousseau

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