Skip to content
Le Journal de l'île Rouge
Politique

« Résilience vs Résignation, se relever ou se soumettre »

La gazette de la grande île
11/04/20248 minute read

« To be or not to be, that is the question« , (Être ou ne pas Être, telle est la question) la question que se posait Hamlet, un personnage de Shakespeare. Il venait de se rendre compte qu’il ne pouvait rien changer à la malhonnêteté des gens et à l’immoralité du monde.
Telle est la question que se pose actuellement la Jeunesse Malagasy, se demandant si leur seul avenir c’est la mort qui va survenir plus vite avec la pauvreté grandissante. Comment initier les enfants aux bons gestes de propreté comme se laver les mains, alors qu’ils ne trouvent même pas d’eau à boire ?


Le PDS de la CUA au Lycée Rabearivelo après avoir reçu des leçons de propreté à Kigali

L’existence des Malagasy d’aujourd’hui est tellement marquée par la souffrance, sans aucun espoir de solution en perspective, que notre Jeunesse en arrive à se demander s’il n’aurait pas été préférable de ne pas même être né (de ne pas être) et de mourir sous peu.
Nous reproduisons ci-après l’article de notre confrère Pitchboule, publié par le journal en ligne Madagascar Tribune qui analyse admirablement bien le désarroi de cette Jeunesse, ballottée entre les politiciens et l’indifférence de la « Communauté Internationale« 
https://www.madagascar-tribune.com/Les-chroniques-de-Ragidro-Resilience-vs-Resignation-se-relever-ou-se-soumettre.html .

« Ils s’appellent Alisson, Baholy A., Christiane R., Dina R., Francine R., Emeline R., Enzo S., Faly R., Felantsoa R., Haga R., Haja R., Harijaona A., Danie R., Ionitiana R. Jacquelin B., Jaofera S., Vero R., Kely B., Laetitia V., Lantoniana R., Mendrika R., Prisca R., Aina R., Pulchérie D., Raharinoro N., Sahondra R., Solo A, Patrick … Ils sont de Mahajanga, Antsiranana, Antsirabe, Fianarantsoa, Toamasina, Toliara, Tolagnara mais aussi d’Arthes, de Beckingen, St Denis, New York, Wattrelos, Montreal, Toronto, Freiburg, Silver Spring, , Zaandam , Malabo, Beirut, Paris…

Leurs discussions sur l’avenir politique de l’Ile Rouge s’éteignent. Les élections, qui avaient un moment laissé envisager une lueur d’espoir de changement, se sont vidées de tout sens avec leurs 20% de participation dont se gargarise le pouvoir en place.

Ils ont vu, écœurés, les recommandations de transparence, d’inclusivité et de vérité mollement énoncées par la communauté internationale balayées par la complaisance passive de cette même communauté face aux flagrantes dérives du processus. Et, confrontés à la scandaleuse gabegie d’une campagne électorale prétendument inclusive, au constat de corruption généralisée, d’achat de voix des citoyens, de détournement de biens publics, de manipulation, ils ne ressentent plus qu’une profonde sensation de débâcle quand les rêves de redressement se sont évaporés.

Ils ont cru à un renouveau politique avec les propositions de front d’opposition démocratique des 11. Ils ont rêvé, si ce n’est faire plier le pouvoir, tout au moins lui faire entendre raison. Et leurs actions pacifiques de rue se sont éteintes dans la crainte de la répression et se sont noyées dans des nuages de gaz fumigènes.

Ils n’ont plus désormais qu’un immense sentiment d’impuissance et d’incompréhension face à une corruption qui a érodé les fondements de la confiance qui devraient unir les malgaches. Et ils ont relégué au rang de reliques leurs idéaux de mérite, de transparence, d’honnêteté.

Leur désarroi se nourrit de l’indifférence de certains et du cynisme des autres à l’aune des scandales impunis, des mesures de coercition ou de répression politique et des initiatives choquantes qui laissent accroire que le pouvoir peut désormais tout se permettre dans une recherche narcissique d’image ou de gain personnel au détriment du bien commun.

L’inaction est accablante. Et face à la sidération ressentie quant au poids des compromis moraux, face au muselage des voix qui ont tenté de s’élever contre l’injustice, ils croient n’avoir de voie que dans la RESIGNATION.

… Résignation qui se caractérise par la perte de confiance en leurs moyens pour remédier à la situation… Résignation qui serait abdication et soumission passive aux évènements.

D’autant que cette résignation face au hold-up politique, constitutionnel, moral, économique que connait le pays pourrait ouvrir la voie à une forme de syndrome de Stockholm, où les individus pris en otage, se mettent à apprécier en empathie leur ravisseur… Il ne manquerait plus que ça qu’ils se mettent à aimer le lapin et justifier ses dérives.

De quelle façon peuvent-ils accepter cet inacceptable… et vivre avec ? Comment peuvent-ils vivre dans ce cadre la profonde absurdité de la situation actuelle ? Doivent-ils la subir en prenant leur mal en patience ? La résignation peut-elle leur offrir l’ambition de (re) construire l’avenir et retrouver ce qui doit faire Nation ? Certes NON.

Pour ne pas s’enfermer en RESIGNATION, ils doivent, a contrario, s’attacher à développer des stratégies de RESILIENCE.

RESILIENCE … C’est un mot qu’ils auront pu juger « tarte à la crème » en termes de jargon dans le domaine de l’aide au développement. Ce concept qui entend que quand un territoire, une communauté vit une crise, on ne doit pas se contenter d’en atténuer les effets immédiats, mais on doit enchainer sur des politiques d’interventions structurées de développement pour assurer un véritable rebond. L’enjeu étant de sortir durablement de la précarité issue de la crise.

Au vu des résultats globaux de ces programmes dits de résilience élaborés derrière les crises successives que le pays connait ou a connues, ils peuvent avoir le sentiment qu’en fait de rebond c’est plutôt un enfouissement progressif que l’on subit.

Et ils analyseront un jour vraiment pourquoi ces programmes de résilience si intelligemment pensés par de grands experts locaux ou internationaux n’avèrent que trop peu de résultats tangibles …

Ils développeront de manière plus globale ce thème de la résilience post-crise en l’appliquant à la situation de crise politique et de crise morale que vit notre Grande Ile.

Ils sortiront alors de ce sentiment de « no future » qui voit nombre des leurs ne rêver que d’expatriation – y compris leur président quand il énonce que l’acquisition de la nationalité française de son fils répond à un enjeu de sécurisation de son futur – et fixe leur incapacité à envisager l’avenir et l’avenir du pays …

Oui, ils ont vécu et vivent encore un drame. Oui, ils ont un deuil à faire… deuil de leurs espoirs de voir émerger une démocratie assainie, sans corruption, transparente et inclusive. Ils n’ont pas fait encore ce deuil… Selon les phases bien connues du deuil, chacun d’eux, à son rythme vivra ou aura respectivement vécu des phases de choc, de déni, de colère, de tristesse, de marchandage puis d’acceptation.

Accepter ne signifie pas se résigner. Accepter c’est reconnaître la vanité des espoirs à court terme d’une démocratie assainie. Cette phase d’acceptation fondera essentiellement leur capacité à s’adapter et à rebondir. Accepter c’est bâtir sa résilience. Accepter c’est se préparer à RÉSISTER.

Une stratégie de résilience et de RESISTANCE CITOYENNE les verra se concentrer ce sur quoi ils peuvent exercer du contrôle… pour élaborer un futur plus stable dans l’anticipation et la projection pour ne plus être des moutons… Ils exprimeront cette résistance citoyenne en s’appuyant sur une société civile forte et des actions de manifestations pacifiques, de boycott, de pétitions, de désobéissance civile et d’actions de sensibilisation.

Leur résilience se fondera sur un principe d’autonomie : ils n’attendront plus de l’État qu’il prenne toutes les initiatives. Malgré sa capacité coercitive et les forces de corruption et de pression désormais avérées, ils doivent susciter de l’Etat, de la façon la plus vive, les actions qu’ils jugeront les plus à même de consolider le futur. Et ils devront veiller à leur réalisation, à défaut de les initier de leur propre chef, localement ou régionalement..

S’engager en actions et en vigilance pour favoriser les interactions et les possibilités d’expression collective ; réduire la faiblesse des corps intermédiaires entre la population et les dirigeants ; lutter contre l’individualisme des élites par leur stigmatisation ; lutter contre le rôle ambigu des bailleurs de fonds en recherchant le plus d’autonomie possible ; veiller au renforcement des liens communautaires et des associations ; veiller à améliorer l’accès à l’éducation civique et à l’information ; soutenir et participer au développement des infrastructures ; promouvoir encore et toujours la participation civique et politique ; soutenir l’économie locale et renforcer encore et toujours la confiance et la solidarité … sont tout autant de chantiers essentiels à investir.

Réinvestir fermement dans ces logiques pour revitaliser l’engagement dans le politique et dans la société civile relève de l’implication de tous …

Le rebond est une perspective long terme. Il ne tient qu’à nous, citoyens, de le préparer et de l’engager.

Bien à vous tous

Patrick Rakotomalala (Lalatiana PitchBoule) – 09 Avril 2024« 

 

Partager cette article
Articles connexes
Back To Top