Madagascar est une île qui se trouve dans l’Océan indien à quatre cents kilomètres de la côte africaine. Une île devenue une immense prison à ciel ouvert. Depuis le retour de Andry Nirina Rajoelina à la tête du pouvoir, cette république espérait avec ce douillet – au visage rectangle, au front plat, au menton carré et au regard d’ange – une vie meilleure. Avec une nette amélioration du pouvoir d’achat du peuple. Sans compter les promesses de rapide et moderne reconstruction des infrastructures routières et hospitalières. Tout cela ravivé par toute une série de multiples promesses sous le signe de « velirano ». Ce serment traditionnel légal consiste à prononcer une ou des imprécations contre soi-même, en frappant avec une verge une lance plantée dans une fontaine sacrée. Ce serment qui n’engageait que celui qui l’avait exprimé et ceux, les niais ou naïfs qui y avaient cru.
Le record est tout de même battu par ce président jeune et inexpérimenté. Il lui a suffi de quelques mois pour dilapider jusqu’à épuisement les richesses accumules par son prédécesseur Hery Rajaonarimampianina. D’un taux de croissance de 5,4 % enregistré vers la fin de 2018, Andry Rajoelina s’est débrouillé en un temps court et record à un taux de croissance en dessous de zéro vers la fin du mois de septembre 2019 et a persisté au point de mettre à genoux son pays à quelques mois des élections présidentielles. L’île pourtant dotée de richesses naturelles n’est plus au bord du gouffre, elle y est, en plein dedans.
Voici un extrait du rapport d’un responsable du secteur privé destiné à ses pairs à l’issue d’une rencontre avec le Président Andry Nirina Rajoelina le 24 avril dernier.
—– CITATION
« Cher(e)s Membres, Suite à note rencontre avec le Président de la République le 4 avril 2023 dernier, suivie d’une réunion de concertation avec la conférence des Travailleurs de Madagascar (CTM) le 28 avril 2023, je vous rends compte des points suivants: (…) Le PRM nous a communiqué que l’État rencontre actuellement de très grave(s) problème(s) de trésorerie et qu’en conséquence, il n’y aura plus ni subventions d’aucune sorte ni paiement d’arriérés de l’État jusqu’au mois de juin où il y aura un appui budgétaire de la Banque Mondiale pour un montant de 100 millions de USD (…. ) L’État n’a pas les moyens de combler l’écart entre les 250 000 Ar fixé en mai 2022 correspondant au minimum de rémunération et le SME (NDLR Salaire Minimum d’Embauche) convenu entre les partenaires sociaux, soit 12 000 Ar, compte tenu des grandes difficultés de trésorerie actuelles auxquelles il doit faire face contrairement à l’année 2022 »
FIN DE CITATION —–
L’État n’arrive plus à honorer ses engagements et à payer ses dépenses. Il est alors normal que les coupures d’électricité soient beaucoup plus fréquentes et durent plus longtemps. Il en est de même pour la distribution d’eau. L’État est complètement dépassé et largué, on ne le dit pas assez, mais l’opinion en est consciente.
De tout cela, naissent les rétentions d’informations, exécutées par des diverses intimidations, concrétisées par des emprisonnements sommaires de journalistes, de patrons de presse et incessamment de hauts dignitaires politiques originaires des anciennes provinces malgaches.
Aujourd’hui, 3 mai 2023, c’est la journée mondiale de la liberté de la presse. Pour la république d’Andry Nirina Rajoelina, ce ne sera pas le cas puisque les journalistes qui contestent la façon dont le pays est géré se retrouvent tous en prison. L’internement dans les goulags malgaches est devenu une sorte de sport national où les juges, magistrats et tenants du pouvoir retrouvent leurs billes. Le nom de Maminiaina Ravatomanga revient systématiquement dès qu’on parle de la justice ou du ministère de la Justice. Qu’il est fascinant de voir ces femmes et ces hommes de loi portant toge exhibant sans pudeur leur extrême richesse, se déplaçant dans des véhicules personnels valant au moins vingt années de leur rétribution, sans parler des bijoux en or et autres montres de prix qu’ils (ou elles) arborent de manière ostentatoire !
En fait, vu le calvaire issu de la pauvreté, vue la souffrance aggravée par l’arrive des drogues dures dans le pays, vues les menaces au quotidien auxquelles les font face les malgaches, vus les harcèlements sous forme de racket dont maints investisseurs sont victimes vus les accaparements de biens immobiliers exécutés par un réseau mafieux bien rodé, vus les avoirs et actifs de l’États poliés par lui-même ou les proches d’Andry Nirina Rajoelina (en l’occurrence le cas d’Air Madagascar), vue la hausse galopante du coût de la vie, vus les abus et détournements divers, Madagascar, une richissime île est devenue une immense prison à ciel ouvert dirigée par deux richissimes apprentis dictateurs.
