Très tôt le matin du jeudi 18 mai, jour de l’ascension, la version malagasy de la lettre des évêques circulait sur les réseau sociaux. Dans l’après-midi, une version française circulait également.
Le profil souhaité du futur Président de la République, qui doit être un patriote, dressé par la conférence des évêques est à l’opposé de celui de Rajoelina Gasy Tapany. Quelqu’un qui a demandé à acquérir une autre nationalité peut-il effectivement prétendre être un patriote, avec les conflits d’intérêts potentiels ?
Ce candidat idéal doit donner l’exemple et respecter scrupuleusement (comme la prunelle de ses yeux, selon le serment qu’il prononce lors de son investiture) les lois et les règlements dont la Constitution. Quant à Rajoelina Gasy Tapany, il n’a par exemple jamais organisé les élections régionales et provinciales, préférant nommer des gouverneurs.
En fait, cette lettre est une sorte de litote, une figure de rhétorique consistant à affaiblir l’expression de la pensée pour laisser entendre plus qu’on ne dit.
Le 2ème chapitre de cette lettre « LA PAUVRETE TRANSFORME NOTRE CULTURE », commence par un court paragraphe sur les « zava bita » (réalisations) du régime actuel tels les infrastructures manarapenitra (écoles, hôpitaux, quelques routes nationales bitumées, etc.., les travaux communautaires (asa tana-maro), le recrutement comme fonctionnaires de maîtres Fram.
Viennent ensuite deux paragraphes résumant l’état déplorable dans lequel se trouve le pays sur tous les plans, un résumé de ce qu’un président normal n’aurait jamais dû laisser faire:
« De l’autre côté, il faut reconnaître la présence de la pauvreté profonde qui fait monter plusieurs plaintes dans tous les niveaux. Notre pauvreté se manifeste presque dans toutes ses diverses formes, aussi bien économique1 que sociale, morale, écologique… La culture, porteuse de vision et de style de vie comme aussi de style de relation est en train de se détériorer progressivement. La conscience même n’est plus écoutée qu’il arrive que des meurtres, des violences, la vindicte populaire, la corruption, des nouveaux nés jetés par leurs propres mères, le vol des yeux des « albinos », le vol des ossements, l’exploitation et les trafics des ressources nationales, la drogue, la montée de la délinquance etc.…sont admis. Tout cela devient progressivement et malheureusement « culture de la mort » : la corruption et l’indifférence, jusqu’à l’indifférence à la loi et celle entre les dirigeants et le peuple ou entre le peuple lui-même. Les dirigeants et responsables qui sont censés donner l’exemple sont les premiers à changer de culture et le peuple ne fait que les suivre. Il est fortement regrettable que des Chrétiens en soient les premiers concernés. Il s’agit d’une « crise anthropologique », selon la vision du Pape Benoît XVI.
De plus, beaucoup de promesses ne sont pas tenues ; ce qui met la population dans la déception et à la dérive. Le prix des produits de première nécessité ne cesse d’augmenter et ce d’une manière exponentielle; les agriculteurs et éleveurs se sentent délaissés dans leurs problèmes ; l’enseignement des enfants devient de plus en plus cher et l’éducation perd progressivement sa qualité ; ceux qui perdent leur travail ; les chômeurs ne cessent de croître en nombre ; les routes dans tout Madagascar se dégradent de plus en plus ; le problème d’électricité et d’eau n’a pas d’issue durable ; et la liste n’est pas exhaustive. La vocation d’être le sel de la terre (cf. Matthieu 5,13-14) et lumière du monde ainsi que comme d’être témoins (cf. Actes 1,8) n’apparaît plus.
Notons également la dégradation de l’environnement, mais tous, aussi bien les dirigeants que le peuple, semblent être indifférents. Il est urgent d’appliquer la loi et de punir sévèrement les dévastateurs de l’environnement. La sensibilisation écologique relève du devoir de tous : dirigeants, peuple, familles, éducateurs, politiciens, responsables religieux, journalistes, chercheurs, artistes, avec les structures, associations et groupements divers ».
Ensuite, le chapitre « LE VOTE EST GARANT DE NOTRE AVENIR » commence par rappeler que participer à cette élection présidentielle est un droit et un devoir. Suivent les recommandations sur l’attitude à adopter par chaque Chrétien depuis la vérification de son inscription sur la liste électorale jusqu’à l’observation des élections pendant et après le vote.
Et surtout, voter selon sa conscience car « la conscience est sacrée et précieuse, car c’est par elle que nous écoutons la voix de Dieu ». Le respect des lois et des règlements par tous, dirigeants, responsables des élections, les candidats et le peuple est primordial.
Ce chapitre dresse également le profil souhaité du futur Président de la République :
En ce qui concerne le choix du candidat – tout en respectant la liberté de conscience de chacun –, nous voudrions rappeler les critères que celui-ci doit avoir parce que « la politique est un moyen fondamental pour promouvoir la citoyenneté et les projets de l’homme ». Madagascar a besoin d’une personne juste, sage et patriote, c’est-à-dire de quelqu’un qui vit dans la légalité, qui veille scrupuleusement au respect des lois et qui n’a de préférence pour personne. Il faut un candidat qui a sa personnalité, qui ne doit pas être prisonnier ni de la politique de son parti, ni des intérêts de ses proches et de sa région d’origine. Beaucoup attendent de cette élection le choix d’un candidat qui sache écouter et qui soit prêt, avec un projet évident, à relever les nombreux défis pour sortir les Malgaches de la profonde pauvreté dans laquelle ils vivent actuellement – sans chercher à attribuer la responsabilité de cette situation aux précédents dirigeants.
Il est nécessaire d’avoir un candidat ouvert et qui ouvre le pays vers d’autres. La Pape François a affirmé : « les nationalismes fermés et agressifs et l’individualisme radical émiettent ou divisent le nous, tant dans le monde qu’au sein de l’Église ».
Un paragraphe particulier a été consacré à l’environnement, un thème très cher au cœur du pape François. « Il est urgent d’appliquer la loi et punir sévèrement les dévastateurs de l’environnement », écrivent les évêques.
Gasy Tapany n’en a cure de l’environnement et deux évènements de ces derniers jours viennent de l’illustrer.
Le public a appris incidemment que les travaux de l’autoroute Antananarivo/Tamatave ont commencé sans permis environnemental, et c’est pourtant Gasy Tapany lui-même qui a lancé ces travaux à Talata-Volonondry le 3 décembre 2022. Ces travaux ont détruit des rizières au grand désespoir des paysans qui avaient vainement imploré d’attendre au moins la moisson.
Lundi 15 mai 2023, le DG de l’ONE Rakotoson Rija Herisolo avait osé annoncer publiquement le début d’évaluation environnementale de ce projet d’autoroute. C’est ainsi que le public a ainsi appris que ce projet n’avait pas encore reçu de permis environnemental. Mal lui en prit, car deux jours plus tard, ni une ni deux, le conseil des ministres de mercredi 17 mai a pris la décision de le virer de son poste.
En revanche, en marge de la signature d’une convention entre l’AFD et le ministère de l’environnement, sa patronne la ministre de l’environnement Vina Marie-Orléa avait apporté plus de précisions : « Plusieurs projets présidentiels sont actuellement en cours de réalisation, pour développer le pays et améliorer la qualité de vie de la population, dont l’autoroute reliant Antananarivo à Toamasina. A l’heure actuelle, l’ONE entame le processus d’évaluation environnementale qui n’empêche en aucun cas la concrétisation de ce projet présidentiel. Au contraire, cette étape est indispensable pour mener à bien les travaux ».
Mais la ministre, elle, n’a pas été remerciée !
L’autre projet, le téléphérique, concerne particulièrement la communauté catholique.
Pour rappel, après de nombreuses réclamations , les pylônes prévus être implantés dans l’enceinte du collège St Michel et dans la cour de la cathédrales d’Andohalo ont dû être déplacés.
Cette fois, l’école des sœurs Sekolintsika Analamahitsy conteste le tracé de ce projet. Malgré cela, le secrétaire d’Etat en charge des Nouvelles Villes veut passer en force et affirme que ce tracé ne sera plus modifiable.
Cela montre que l’enquête sociale n’a pas été menée préalablement, puisque ces riverains ne découvraient ce tracé que maintenant. Mais comme il s’agit d’un projet présidentiel !
Gasy Tapany ne brille donc pas particulièrement pour le respect de la Loi, et les intérêts de la population sont loin d’être sa première préoccupation.
En tout cas, le message des évêques est très clair « Le prochain Président ne devrait plus agir comme actuellement, et devra savoir comment sortir le pays de la situation calamiteuse où il se trouve ». Ce qui est loin d’être le cas de Gasy Tapant.
Autrement dit, « Votez pour quelqu’un d’autre que Gasy Tapany ».