Dimanche 17h, grand show au palais présidentiel pour la présentation du gouvernement n°… Ntsay Mike Tyson. On ne se rappelle plus quel numéro portera ce gouvernement, tant il y en a eu depuis son 1er gouvernement de 2018. Après le général de gendarmerie Désiré Rakotoarijaona qui occupa le poste de PM du 31 juillet 1977 au 12 février 1988, Ntsay Mike Tyson pourra frôler ce record de longévité s’il reste PM jusqu’au bout du mandat de Cédric Vazaha le 16 décembre 2028.
Dimanche soir après ce non-évènement, quelques heureux et beaucoup de déçus. En tout cas, cela ne changera pas le piètre quotidien vécu par la majorité de la population : soif et faim, délestages, queues de bidons jaunes, rues et routes défoncées, insécurité grandissante, salaires et bourses non payés, et nous en passons.
La Gazette ne résiste pas au plaisir de partager l’article de deux excellents journalistes parus sur le journal en ligne Madagascar Tribune : https://www.madagascar-tribune.com/Pourquoi-vouloir-devenir-ministre.html
Pourquoi vouloir devenir ministre ?
samedi 13 janvier | Ndimby A., Patrick A.
Comme d’habitude, le folklore qui prévaut avant l’annonce d’un nouveau gouvernement bat son plein : appel à déposer les CV, campagnes de communication pour se rendre visible, supputations médiatiques sur qui mérite de rester et qui devrait partir etc. L’appel aux CV est devenu une habitude locale tout en demeurant toujours aussi ridicule : si l’on n’a pas été en mesure d’acquérir l’envergure pour être repéré par les chasseurs de tête, on devrait réfléchir à deux fois avant d’avoir la prétention de vouloir occuper un fauteuil ministériel. Il est vrai toutefois que depuis 2009, la compétence, l’intégrité et le patriotisme ne sont plus des conditions sine qua non, tandis que la capacité à créer des éclats médiatiques l’est devenu. Il suffit de regarder la liste de personnes qui ont occupé de hauts emplois de l’État ces dernières années.
Au-delà de ces considérations, il serait intéressant de se demander pourquoi certaines personnes se bousculent au portillon pour se faire appeler Monsieur le ou Madame la ministre. Bien entendu, tous diront que c’est par patriotisme, afin d’apporter sa contribution pour redresser Madagascar. Argument qui ne pèse que quand on croit aux foutaises, du moins pour la plupart. Bonbons sucettes, écrans plats, paniers garnis, intervention « motivée » d’un ministre de la justice dans un dossier pénal : quelques mots-clés qui subsistent du passé sans qu’aucune sanction n’ait été prise.
Les ambitions politiques, de manière générale, sont d’abord et avant tout motivées par l’ego. L’envie d’être « quelqu’un », d’avoir du pouvoir, de se faire cirer les pompes, d’avoir des gardes de corps, de bénéficier des avantages de la fonction, et de pouvoir montrer au fokontany, au fiangonana, au fianakaviana qu’on a réussi. À ceci s’ajoute la possibilité d’accès à des sources d’enrichissement sans cause sur ou sous la table. Les exemples concrets de personnes ayant fait fructifier de manière curieuse et flagrante leur patrimoine immobilier et automobile après un passage au gouvernement doit en inspirer beaucoup. On ne parlera même pas du droit de cuissage que s’octroient certains.
Conditions peu propices à la performance
Un regard lucide nous amène également à poser les conditions paradoxales dans lesquelles les fonctions ministérielles s’exercent à Madagascar. D’un côté, comme dans tous les pays du monde, il est demandé aux ministres d’avoir des résultats. De l’autre côté, les ressources sont faibles, car l’essentiel du budget est destiné au paiement des salaires. Il suffit de voir tous les impayés de l’État qui causent des revendications et des grèves récurrentes. Ceux qui veulent des résultats doivent donc chercher à « bricoler », avec les méthodes et les risques que cela suppose.
De plus, l’espace disponible pour opérer des réformes et laisser une marque dans l’Histoire à travers ses propres initiatives s’est considérablement rétréci. L’exercice du pouvoir est devenu complètement vertical ; toutes les décisions importantes, et même celles qui ne semblent pas l’être, sont prises au château. Dans un tel contexte, il est bien difficile pour les ministres, et même pour le premier d’entre eux, de promouvoir des idées ambitieuses.
Néanmoins, les places semblent bonnes : cela fait bien des années qu’aucun ministre n’a émis la moindre divergence d’opinion sur la conduite des affaires ou démissionné par conviction personnelle. Les ministres sont soit limogés, soit démissionnés, tout en n’étant pas remerciés au sens le plus courant du terme, forcés d’assumer jusqu’au bout leur rôle de fusible.
En outre, l’ambiance politique délétère à la suite de l’élection pseudo-démocratique de 2023 va exacerber les clivages et fortes inimitiés, ce qui va décupler les sales coups dont les Malgaches raffolent, inspirés par la jalousie et l’envie. On n’aimerait pas être à la place des ministres qui devront tout le temps être sur le qui-vive, à l’affût d’enregistrement de conversations ou d’appels téléphoniques commandités par les adversaires, mais aussi par les « amis » désireux de créer des dossiers. Au cas où. On n’aimerait pas être à la place des ministres qui feraient mieux de vérifier chaque feuille à signer dans les parapheurs, au cas où des malintentionnés glisseraient des pièges. Sinon, c’est le risque de découvrir un jour sur Facebook avoir signé un acte de vente de biens de l’État, avec preuve à l’appui. Tant qu’on reste « du bon côté » de la barrière politique, on sera protégé. Mais une fois qu’on oublie d’être loyal, les dossiers surgiront à la vitesse d’un TGV.
Les mandats des présidents Philibert Tsiranana, Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana nous avaient habitué à la présence de technocrates de haut vol parmi les hauts commis de l’État (ministres ou ambassadeurs). Force est de reconnaître que depuis 2009, la qualité est devenue une denrée rare à l’importance secondaire : exemple de ce fameux ministre ayant eu une affaire de faux-diplôme devant le tribunal, et qui malgré cette révélation a été inamovible pendant des années, avant de voir s’offrir un strapontin de Consul général.
Sinon, en matière de changement gouvernemental sous d’autres cieux, la France vient de se doter d’un ministre délégué chargé du Renouveau démocratique. Dommage que quand le président français de la République de Madagascar s’empresse de singer les pratiques de sa patrie, il ne s’intéresse qu’aux infrastructures et spectacles du Puy du Fou.
Le Puy du Fou et le Colisée (celui du Rova) ? Le 1er a été élu à deux reprises « Meilleur parc d’attraction du monde » offre une multitude de spectacles grandioses et d’aventures.
Le Colisée , tout comme le téléphérique, auront défiguré le site et enterré à jamais la possibilité d’inscrire la HAUTE VILLE au patrimoine mondial de l’Unesco. Le site aura perdu son caractère unique de paysage Culturel Urbain, bijou architectural et historique (selon le journal Le Monde), comme le confirmait la lettre d’avertissement de la directrice du centre du patrimoine mondial de l’Unesco Mechtild Röesler « Des travaux de bétonnage et de maçonnerie seraient en cours et pourraient, si réalisés, avoir un impact sur la valeur universelle exceptionnelle et l’intégrité de la Haute Ville d’Antananarivo ».
Hélas, il est tellement plus facile de détruire que de construire et c’est ce s’évertue à faire Cédric Vazaha depuis qu’il est aux commandes.
Malgré ce gâchis, notre Be Molotra Nationale a été reconduite comme ministre. Certes, elle n’est plus à la Culture. Mais nous plaignons le département de l’Enseignement technique et de la formation professionnelle, dont elle vient d’hériter.
Encore une qui a dû tricher afin de réussir aux tests des fameux experts ! De quoi douter de leur expertise !