C’est bien le lancement de nouvelles offensives économiques et diplomatiques pour trouver des partenaires et des promesses de coopération pour le développement de Madagascar, mais c’ est encore meilleur si on les prépare en cherchant les meilleures réponses aux questions fondamentales résultant de la dynamique géopolitique et geo-économique actuelle dans ce monde interconnecté dans lequel Madagascar évolue. « La coopération au développement proposée est-elle adaptée aux défis et aux problèmes auxquels est confronté Madagascar ? » À une époque de crises mondiales multiples, nous devons revoir notre diagnostic de développement avec les partenaires de développement et trouver le meilleur chemin de progrès et de coopération.
Ces dernières années, le paysage mondial du développement a subi d’importantes transformations, les pays et les acteurs du développement ayant dû faire face à de nouveaux niveaux de défis en plus des « vieux problèmes, comme la lutte contre la pauvreté ». Outre les chocs mondiaux tels que les crises financières des dernières années, la pandémie de Covid-19, la guerre russe contre l’Ukraine, et la guerre en Moyen-Orient entre Israël et le Hamas, nous avons assisté à une série de crises de longue durée qui posent également de graves défis à la stabilité et à la prospérité. Il s’agit notamment de la dette croissante qui risque d’être insoutenable avec la dévaluation de notre monnaie, des effets cumulés de la crise climatique et naturelle, des tendances démographiques en décalage avec les marchés du travail, de l’inflation et de la faiblesse et l’insuffisance de notre création de richesse, ainsi que l’augmentation de la pauvreté des dernières décennies.
La recherche d’un meilleur chemin de progrès n’est nulle part plus évidente qu’à Madagascar. Madagascar, un des pays le plus pauvre de la planète est actuellement confronté à un ensemble complexe de défis allant des conflits et violences générées par la pauvreté et l’ insécurité économique et de la sécurité humaine aux transitions économiques, démographiques et technologiques, en passant par le changement climatique et les événements météorologiques extrêmes. Cela se produit à un moment où le nombre d’acteurs extérieurs intéressés par l’approfondissement des relations avec l’Afrique et Madagascar s’accroît dont leur principal objectif est de s’assurer de leur sécurité économique. Outre la Chine, l’UE et les États-Unis, des pays comme l’Inde, la Russie, la Turquie, le Brésil et les États du Golfe entretiennent de nouvelles relations et de nouveaux engagements avec Madagascar.
Il est difficile de repenser véritablement la situation et de s’ assurer d’un réel changement sans la contribution de toutes les forces vives de Madagascar avec les différentes idées et nouveautés qu’offre un exercice comme un dialogue ouvert et inclusif. Sommes-nous encore guidés par des idées reçues insuffisantes pour relever les défis multidimensionnels et évolutifs auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui ? Sommes-nous véritablement déterminés à comprendre nos propres conditions de développement , comprendre ce qui est réellement souhaitable et possible pour notre développement et s’engager à l’unisson pour un meilleur futur ? Le monde développé sur lequel on s’ appuie pour notre développement est en train de mettre en évidence la façon dont l’aide pour le développement internationale est passée des priorités de développement au niveau national aux menaces transfrontalières mondiales, aux défis des réfugiés au niveau national et à l’ assurance de leur sécurité économique nationale.
Selon les statistiques mondiales de 2022, l’aide publique mondiale au développement destinée à près de 1,5 milliard de personnes en Afrique était à peu près équivalente au financement destiné à l’Ukraine – qui compte 44 millions d’habitants. Cela exclut l’aide militaire. Et au cours de ces premiers mois de cette armée 2024, les gouvernements et entités européens ont réduit de 4,8 milliards d’euros le financement à long terme du développement et du climat, dont une grande partie était destinée à l’Afrique.
Il est temps de débattre sur ces points pour aller sur un nouveau chemin de développement et plus particulièrement trouver des réponses acceptées par tous pour lesquelles toutes les forces politiques de Madagascar devraient s’engager :
1. Des réponses pour les questions fondamentales des tendances démographiques et de leur contribution à la croissance économique et au développement, qui doivent être débattues. Madagascar est encore à plusieurs décennies d’un « dividende démographique » en raison de son taux de fécondité élevé. Cependant, lorsqu’elle atteindra ce stade – vers les années 2050, si la gouvernance s’améliore– la taille de notre population active accélérera très probablement la croissance économique pour les décennies à venir dans ce monde interconnecté économiquement. Cependant, des questions cruciales et interdépendantes liées à l’éducation, aux politiques industrielles et commerciales, aux soins de santé et à la gouvernance doivent être abordées pour que notre développement démographique propulse le développement économique de Madagascar.
2. L’importance tout aussi fondamentale de la transformation économique structurelle doit être abordée ensemble également pour un développement inclusif. Le développement inclusif nécessite la création de davantage d’emplois dans des secteurs à forte productivité et à salaires décents. La tendance actuelle est cependant à un déplacement de la main-d’œuvre de l’agriculture peu productive vers les services peu productifs. Les périodes de forte croissance économique de ces dernières années n’ont pas entraîné d’augmentation des opportunités de revenus pour de larges groupes de la population Malagasy. Il est nécessaire de mettre en place des politiques qui encouragent la diversification économique, la compétitivité des exportations, l’augmentation de la productivité et la modernisation technologique. Une réforme éducative mettant l’accent sur la formation professionnelle est également essentielle. Le défi de la transformation économique est bien connu, et une multitude de solutions a été introduite, mais doit être acceptée par tous les acteurs publics, allant de meilleures infrastructures, à l’intégration régionale, à l’amélioration de l’énergie et de l’électricité, à la résolution des défaillances du marché, aux programmes de « grande envergure » pour mettre fin aux pièges de la pauvreté, aux normes communes, à la formalisation des droits de propriété et une gouvernance améliorée.
Enfin 3. Un dialogue soutenu est nécessaire pour trouver les moyens de soutenir les institutions équilibrant les idéaux d’une gouvernance et d’ institutions démocratiques et les réalités contextuelles de Madagascar. Madagascar navigue actuellement et négocie son développement à travers un réseau interconnecté de règlements politiques, de questions de démocratie, de gouvernance et d’arrangements institutionnels au niveau national. Le contexte des héritages coloniaux, des tensions géopolitiques, des affiliations ethniques : Merinas et Côtiers, des dynamiques à la fois formelles et informelles, façonnent la stabilité et les capacités de nos institutions. Mais le résultat est là : la majorité des Malagasy sont dans la pauvreté.
Depuis des décennies Madagascar pratique un régime politique de type “démocratie libérale” copié sur le modèle des pays occidentaux. Où en est Madagascar aujourd’hui ? Notre démocratie est encore un régime politique jeune et fragile alors que le primat de l’individu constitue le principal pilier politique de la démocratie libérale : garantir les droits naturels de l’Homme (La vie, la propriété, la liberté, la vie privée, la religion, la sécurité…) . La propriété de soi d’abord, la propriété des choses par le travail ensuite, la pensée critique, la tolérance religieuse, la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice et la prééminence du pouvoir législatif parachèvent cette démocratie libérale. Où en sommes nous ?
L’autre pilier principal de la démocratie libérale est le libéralisme économique : abolir les entraves, encourager l’esprit entrepreneurial, favoriser le libre commerce entre les pays et privilégier les organisations spontanées, sont des objectifs d’une économie de marché libre. En tant que doctrine économique, le libéralisme protège la concurrence à l’intérieur du pays et défend le libre-échange à l’extérieur. En 2024, où en est Madagascar ? Une sorte de corporatisme est en train de menacer la démocratie à Madagascar. Le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté est d’abord de produire la richesse, libérer les échanges, libérer des entraves de l’esprit des entrepreneurs, et non pas la construction d’une sorte de “douanes intérieures” et de douanes extérieures. Une démocratie sans libéralisme constitutionnel est en train de produire un régime centralisé, une érosion de la liberté, des compétitions ethniques, des conflits et des violences sous différentes formes.
Seuls une constitution de “BONS RESERVES” et un réexamen des stratégie de coopération pour développement à travers une gouvernance de dialogue soutenue mèneront Madagascar sur le bon chemin du progrès. L’heure est à l’amélioration de la pratique traditionnelle de la gouvernance qui concerne uniquement ce que le gouvernement devraient faire. La gouvernance innovante devrait concerner ce que les gens peuvent faire ensemble. En effet la pratique devrait comprendre la coordination et la facilitation de la prise de décision travers une démocratie participative, en faisant vivre la culture Malagasy : “le dialogue et le consensus” ; une gouvernance de dialogue qui permettra aux Malagasy, aux communautés et aux organisations de participer à la prise de décision qui affecte le bien-être de tous.