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Le Journal de l'île Rouge
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Madagascar, un Etat voyou aux abois et son joujou Predator

La gazette de la grande île
22/03/20248 minute read

En octobre 2023, nous reproduisions un article de Mediapart sur Predator : https://www.facebook.com/lgdi.madagascar/posts/pfbid02touzE5oZiFssQY1kE7gvzQEB2gqu4o6bQm5o7gocEiKGR6rJoD74Web8JrLT74srl .
Après une démonstration-test concluante menée contre notre PDG Lola Rasoamaharo à l’ambassade malagasy de Paris, Rajoelina s’était procuré ce fameux logiciel, à coup de milliard d’ariary, pour espionner ses adversaires politiques.
Victime de l’utilisation de ce logiciel, notre PDG qui possède la nationalité française (et il ne s’en est jamais caché) s’est résolu à porter plainte contre la société française fournisseur Nexa. Nous reproduisons ci-dessous un article de notre confrère Le Monde : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2024/03/22/predator-une-plainte-deposee-en-france-concernant-l-utilisation-du-logiciel-espion-a-madagascar_6223552_4408996.html .
Les Etats-Unis ont imposé de nouvelles sanctions au groupe Intellexa, derrière le logiciel espion Predator. La France va-t-elle suivre le mouvement, s’agissant d’une affaire impliquant des ressortissants français, dont Rajoelina lui-même ?

 » Predator : une plainte déposée en France concernant l’utilisation du logiciel espion à Madagascar
Le journaliste franco-malgache Rolland Hubert Rasoamaharo, aujourd’hui incarcéré, accuse l’entreprise française Nexa d’avoir procédé à une opération de surveillance hors de tout cadre légal.
Un nouveau front judiciaire va-t-il s’ouvrir pour la société Nexa, devenue le visage français de l’industrie de la surveillance ? Une plainte pénale a en effet été déposée auprès du parquet de Nanterre, le 31 janvier, par Rolland Hubert Rasoamaharo, journaliste franco-malgache. Consultée par Le Monde, elle mentionne directement l’entreprise française, anciennement connue sous le nom d’Amesys. C’est aussi la première plainte française à viser directement un logiciel espion au cœur de multiples scandales : Predator.
En octobre dernier, une enquête menée par Mediapart et le consortium European investigative collaborations (EIC) révélait en effet que Nexa avait fourni aux autorités malgaches du matériel de surveillance hors de tout cadre légal, dont l’accès à Predator. Ce puissant logiciel espion est développé et commercialisé par le groupe Intellexa, dont faisait précédemment partie Nexa. Celle-ci conteste toute transaction, affirmant au Monde n’avoir « jamais livré aux autorités malgaches de solution de cybersurveillance de type Predator, ni conclu avec celles-ci un contrat de vente à cet effet ».

Une « démonstration » de Predator
Pourtant, selon l’enquête de Mediapart, une équipe de Nexa s’est rendue à Madagascar en 2020 pour faire la promotion et une démonstration de Predator, ainsi que d’autres outils d’espionnage. A cette occasion, un rapport de surveillance aurait été réalisé, ciblant spécifiquement M. Rasoamaharo, connu sous le nom de plume « Lola » et responsable du quotidien La Gazette de la Grande île. Ce rapport contenait, selon Mediapart, « un historique de géolocalisation et des données relatives à ses téléphones ».
A l’époque, aucune vente de Predator n’avait été finalisée et aucune licence d’exportation n’avait encore été accordée. La plainte, déposée par les avocats William Bourdon et Vincent Brengarth, estime que le journaliste « a, selon toute vraisemblance, fait l’objet d’une collecte et d’un traitement d’informations en dehors de tout cadre légal, incluant des données relatives à ses téléphones et donc privées, par le groupe Nexa ».
Là encore, la société dément. Elle explique que ses équipes ont effectivement approché Madagascar, mais pour faire la présentation d’un outil de recherche en sources ouvertes, qui ne collecte que les informations librement accessibles en ligne. « Lors de la démonstration », ajoute-t-elle, des recherches ont été effectuées « sur différents noms fournis par le prospect [client potentiel], avec des empreintes numériques faibles ou fortes, parmi lesquelles figurait le nom de M. Rasoamaharo. »
Nexa affirme qu’aucune surveillance intrusive n’a été menée à l’encontre du journaliste, et que la démonstration n’a pas débouché sur la signature d’un contrat. Le président malgache, Andry Rajoelina, a néanmoins reconnu, en octobre 2023, que son pays avait bien fait l’acquisition de Predator, tout en promettant que le mouchard numérique avait été utilisé dans un cadre légal, et en aucun cas à visée politique.

Un long dossier judiciaire
Lola Rasoamaharo est incarcéré à Madagascar depuis le mois de juin 2023, à l’issue d’un procès pour extorsion de fonds.
Mais comme le rappelle la plainte déposée en janvier, son arrestation et la perquisition des locaux de La Gazette de la Grande île ont eu lieu très peu de temps après la publication, par le journal, d’une photo d’un document d’identité français au nom du président Rajoelina. Une affaire sensible pour le pouvoir malgache. Son arrestation a été dénoncée par la Fédération des associations des journalistes de Madagascar, qui accuse l’Etat de représailles.
Nexa, elle, est déjà dans le viseur de la justice française depuis des années, deux informations judiciaires ayant été ouvertes. L’entreprise spécialisée dans la surveillance est soupçonnée d’avoir vendu ses produits phares, respectivement en 2007 et 2014, à la Libye de Mouammar Kadhafi et à l’Egypte d’Abdel Fattah Al-Sissi. Plusieurs de ses cadres et anciens dirigeants sont toujours mis en examen pour complicité de torture dans le cadre du dossier libyen.
Jusqu’à ces mises en examen, survenues en 2021, Nexa Technologies faisait partie d’Intellexa, une alliance d’entreprises majeures du secteur de la surveillance, dirigée par l’homme d’affaires israélien Tal Dilian, un ancien agent du Mossad devenu magnat des logiciels espions. Le groupe, établi à Chypre, en Grèce, en Irlande et en Hongrie, comprend notamment Cytrox, l’entreprise hongroise qui développe le logiciel Predator.
L’enquête de Mediapart et de l’EIC a révélé que Nexa jouait, avant 2021, le rôle de revendeur de Predator pour le compte de plusieurs clients, parmi lesquels le Vietnam et Madagascar. Au consortium, les anciens dirigeants de l’entreprise, qui a depuis restructuré ses activités, ont assuré que ces contrats avaient été transférés à Intellexa au cours de l’année 2021 avant « qu’ils soient opérationnels », c’est-à-dire finalisés et actifs. En septembre 2023, la publication spécialisée Intelligence Online rapportait également que ces contrats avaient été transférés à Intellexa, ajoutant qu’ils étaient en pause.

Pression internationale
Des éléments techniques laissent pourtant penser que la Grande Ile reste un utilisateur actif de Predator. L’éditeur français de logiciels de cybersécurité Sekoia, qui a publié fin février une analyse très détaillée d’une partie de l’infrastructure technique du logiciel espion, a bien identifié, à cette occasion, des noms de domaine actif et potentiellement utilisés par les autorités malgaches. Ces sites font partie d’un ensemble de domaines servant à l’infection des téléphones des personnes ciblées et à la distribution du logiciel espion.
Parmi les adresses soupçonnées d’être utilisées par le client malgache de Predator, Sekoia a d’ailleurs identifié un nom de domaine usurpant, à quelques fautes de frappe près, l’identité du site Internet du Monde. Les chercheurs font l’hypothèse que ce « typosquatting » « pourrait être relié à la couverture faite par » le journal de l’usage de Predator par Madagascar, d’autant plus que le nom de domaine a été enregistré environ deux mois après la publication de deux articles à ce sujet.
Le groupe Intellexa, lui, est plus que jamais sous pression, alors que les Etats-Unis ont annoncé, au début du mois de mars, une nouvelle série de sanctions. Pour la première fois, des mesures visent les dirigeants du conglomérat à titre individuel. Tal Dilian et sa compagne, Sara Hamou, ont ainsi été placés sur une liste de sanctions du Trésor américain, qui interdit automatiquement toute transaction avec des personnes ou entités aux Etats-Unis. Les différentes entreprises du groupe dans les divers pays où il est implanté sont également visées.
L’analyse de l’entreprise Sekoia montre toutefois que la pression mise par les Etats-Unis sur Intellexa ne suffit pas, le conglomérat continuant vraisemblablement à démarcher des clients : les chercheurs ont ainsi identifié des noms de domaine suggérant que le Botswana, la Mongolie et le Soudan pourraient figurer parmi les nouveaux utilisateurs du mouchard.
Florian Reynaud  »

 

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