Mamy Ravatomanga alias PB, businessman et éminence grise de TGV
La 1ère partie de notre série d’articles avait retracé comment PB ce « rusé renard » sans diplôme avait pu flouer l’économiste Tovonanahary Rabetsitonta, Betiana Bruno et le commandant Dominique, ainsi que l’Etat Malagasy en réussissant jusqu’ici à éviter de rembourser les prêts du fonds subsaharien. Mais patience ! Comme disent les vieux sages malagasy « Andriamanitra tsy andrin’ny sasany, andriko ihany » (La patience est la mère de toutes les vertus).
Nous allons sauter quelques années et nous voilà en 2013 avec un dossier publié par le journal Africa Intelligence, qui détricote le réseau très étendu de PB :
« Mamy Ravatomanga, businessman et éminence grise de TGV
Né en 1968 à Morondava
PDG du groupe Sodiat
Publié le 04/02/2013 à 22h01 GMT Lecture 17 minutes
Homme d’affaires en plein boom ces dernières années, Maminiaina Ravatomanga, dit « Mamy », est un soutien indéfectible et un conseiller officieux du président de la transition, Andry Rajoelina dit TGV. Les deux hommes se sont rapprochés courant 2008 parce que leurs sociétés respectives se trouvaient en butte au fisc, dont les enquêtes avaient été initiées par l’entourage du président de l’époque, Marc Ravalomanana. Par la suite, Ravatomanga a soutenu l’accession de TGV au pouvoir en mars 2009 et n’a cessé d’être à ses côtés depuis lors.
Cela a boosté l’expansion des activités du groupe Sodiat, qu’il a fondé en mai 1990 et qui chapeaute aujourd’hui une douzaine de sociétés intervenant dans divers secteurs. En contrepartie, Ravatomanga conseille Rajoelina sur les questions économiques, l’aide à prendre des contacts à l’étranger et apparaît régulièrement en public à ses côtés.
Considéré par ses partenaires commerciaux comme un homme de parole, régulier en affaires, Maminiaina Ravatomanga est néanmoins souvent critiqué par d’autres à cause de sa trop grande proximité avec le président de la transition. Il a même été publiquement accusé, à plusieurs reprises, d’être mêlé au trafic de bois de rose, ce dont il s’est toujours défendu.
L’élection présidentielle, prévue le 8 mai 2013 et finalement reportée au 24 juillet, pourrait s’avérer décisive pour « Mamy », dont l’avenir politique et commercial semblait plus prometteur si Andry Rajoelina briguait et remportait la magistrature suprême. Mais celui-ci a annoncé, le 15 janvier 2013, qu’il ne serait pas candidat. Ravatomanga devra donc approcher un autre candidat pour s’en faire un protecteur. Il y a de fortes chances pour qu’il jette son dévolu sur l’actuel vice-premier ministre en charge du développement et de l’aménagement du territoire, Hajo Andrianainarivelo, qui devrait se lancer dans la course électorale.
- Les acolytes politiques
Mamy Ravatomanga, bien qu’il n’apparaisse pas dans l’organigramme de la présidence, figure en bonne place dans le cercle le plus influent du régime de transition instauré en 2009 et possède d’utiles alliés au sein du gouvernement de coalition mis en place fin 2011. Le premier d’entre eux est le président de la transition lui-même, Andry Rajoelina.
Andry Rajoelina
Né en 1974
Président de la transition
Maminiaina Ravatomanga a ouvertement soutenu Andry Rajoelina dit « TGV » dès son arrivée au pouvoir en 2009. Au mois de juin de la même année, il bataillait déjà dans les coulisses du régime de transition afin d’obtenir le maintien à son poste du directeur général des douanes Vola Razafindramiandra contre l’avis de Benja Razafimahaleo, le ministre des finances de l’époque. Par la suite, il est intervenu dans plusieurs dossiers avec l’aval de TGV, pour cornaquer des délégations d’investisseurs étrangers ou au contraire pour tenter d’empêcher que certains d’entre eux, tels les groupes thaïlandais PTT Asia Pacific Mining et Italian-Thai Development, qui s’intéressent au charbon de la Sakoa, n’aient de trop bons contacts avec les premiers ministres successifs Camille Vital puis Jean Omer Beriziky, considérés comme des rivaux potentiels par le président de la transition.
De son côté, Andry Rajoelina est intervenu à plusieurs reprises en faveur de Mamy Ravatomanga, comme en septembre 2009, lorsque ce dernier était en concurrence avec la société Jovenna d’Hassanein Hiridjee à propos d’un projet de construction d’un entrepôt pour carburant. Il l’a également nommé, fin 2009, administrateur représentant l’Etat au sein de Telecoms Malagasy (Telma), ancienne firme étatique aujourd’hui contrôlée par des sociétés privées, puis administrateur d’Air Madagascar.
Le soutien affiché de l’homme d’affaires au président s’est vite avéré payant : il dispose de contrats d’approvisionnement ou de services avec le gouvernement. Sa Polyclinique d’Ilafy soigne les hauts fonctionnaires aux frais de l’Etat, tandis que certains de ses concurrents ont dans le même temps beaucoup moins de chance dans leurs rapports avec les autorités fiscales du pays.
L’influence de Ravatomanga sur certaines décisions du président est patente : il a ainsi encouragé la nomination du commissaire aux comptes de sa firme Sodiat, Hery Rajaonarimampianina, au poste de ministre des finances en 2010. Son oncle Roland Ravatomanga, auparavant pro-Ravalomanana, est devenu ministre de l’agriculture en 2011 et le candidat malheureux qu’il a soutenu pour le poste de premier ministre, Pierrot Botozaza, est vice-premier ministre en charge de l’économie et de l’industrie depuis 2011.
Andry Rajoelina a assuré Ravatomanga de sa protection lorsque celui-ci a été accusé une première fois d’implication dans une affaire de trafic de bois de rose en 2011. De son côté, Ravatomanga a apporté son soutien actif aux projets sociaux « présidentiels » (hôpitaux, logements, etc.) que TGV veut voir réalisés à travers le pays avant la présidentielle de 2013.
Hery Rajaonarimampianina
Ministre du budget et des finances
Commissaire aux comptes de Sodiat
Le commissaire aux comptes du groupe Sodiat, Hery Rajaonarimampianina, a été recommandé par Maminiaina Ravatomanga au président Andry Rajoelina pour que celui-ci le nomme ministre des finances en 2009, fonction à laquelle il a été reconduit en 2011. Cette même année, Hery Rajaonarimampianina a été nommé président du conseil d’administration d’Air Madagascar, au sein duquel siège également Mamy Ravatomanga. De son côté, Hery Rajaonarimampianina a nommé, en septembre 2011, un nouvel administrateur pour le compte de l’Etat malgache au sein de la société Logistique pétrolière (gestion de dépôts pétroliers) : il s’agit d’Eric Razanamparany, le directeur général du groupe Sodiat, appartenant à Mamy Ravatomanga.
Hery Rajaonarimampianina et Mamy Ravatomanga ont travaillé ensemble sur certains dossiers délicats pour le compte d’Andry Rajoelina, comme le discret protocole financier négocié, au dernier trimestre 2012, avec Sherritt International Corp. Cet accord a donné lieu à un document signé par le ministre des finances, tandis que Ravatomanga jouait un rôle en coulisses dans les tractations préalables avec la compagnie minière canadienne.
Hery Rajaonarimampianina et Mamy Ravatomanga figuraient également aux premières loges lors de la cérémonie de lancement, en octobre 2012 à Toamasina, de la production du nickel et du cobalt d’Ambatovy, société appartenant à Sherritt International et ses partenaires. Le ministre du budget fait aussi partie du comité de pilotage qui chapeaute le programme de projets sociaux dont le président de la transition souhaite la réalisation avant les élections de 2013. On trouve à ses côtés Mamy Ratovomalala, Hajo Andrianainarivelo, Harry Laurent Rahajason et Haja Resampa. Sans faire officiellement partie de ce comité, Mamy Ravatomanga joue cependant le rôle de conseiller économique.
Hery Rajaonarimampianina a été président de l’Ordre des experts-comptables et a enseigné à l’Institut national des sciences comptables et de l’administration d’entreprises (Inscae) d’Antananarivo. Il est par ailleurs membre du Rotary Club et de la loge maçonnique du Grand Rite malgache (GRM). Il est aussi associé-gérant de la société Auditeurs associés CGA en partenariat avec Solofo Rasoarahona, le beau-frère de Pascal Chaigneau, le patron du Centre d’études diplomatiques et stratégiques (CEDS) de Madagascar.
Roland Ravatomanga
Ministre de l’agriculture
Oncle de Mamy Ravatomanga
Ancien parlementaire membre du TIM, le parti de l’ex-président Marc Ravalomanana, et ami d’enfance de ce dernier, Roland Ravatomanga fait partie des épargnés de la transition. Un sauvetage qu’il doit sans doute à la proximité de son neveu avec le président Andry Rajoelina.
Au lendemain du départ en exil de Marc Ravalomanana en mars 2009, Roland Ravatomanga a fait partie de la direction collégiale de la mouvance Ravalomanana et a multiplié les interventions en faveur du dialogue entre les divers courants politiques du pays, jusqu’à sa nomination en tant que ministre de l’agriculture en novembre 2011 dans le cadre du gouvernement de coalition formé par le nouveau premier ministre Jean Omer Beriziky. Il a cependant boudé la cérémonie d’installation de la nouvelle équipe gouvernementale.
Après son entrée au gouvernement, Roland Ravatomanga a continué à militer pour le retour de Marc Ravalomanana. Mais pour Andry Rajoelina, il vaut toujours mieux compter dans ce gouvernement d’unité nationale l’oncle de l’un de ses proches conseillers plutôt qu’un opposant avec lequel aucun contact n’est possible.
- Les partenaires de Sodiat
Mamy Ravatomanga s’est entouré d’hommes de confiance qui l’assistent dans la gestion quotidienne du groupe Sodiat et qu’il réunit régulièrement dans ses bureaux de la Villa Pradon pour un bilan de l’activité de ses diverses filiales. Il a également quelques partenaires récurrents, à l’instar de Naina Andriantsitohaina, avec lequel il a racheté plusieurs sociétés.
José Andrianasolo
Né en 1959
Vice-président de Sodiat
Homme de confiance de Mamy Ravatomanga, José Andrianasolo est son associé depuis les débuts de Sodiat. Dans le courant des années 90, il a rejoint la société Sodiat Petro, que Mamy Ravatomanga avait initialement fondée avec Tovonanahary Rabetsitonta, lequel avait ensuite quitté l’entreprise, en conflit avec Ravatomanga.
Andrianasolo et Ravatomanga sont devenus inséparables et ont développé le consortium devenu Sodiat, qui compte aujourd’hui une douzaine de sociétés et dont ils sont les cogérants. En 2003, ils ont racheté la firme Sorafils, appartenant à la famille merina Raboanarijaona, qui monopolisait dans les années 1960 et 1970 l’importation de voitures de marque Toyota à Madagascar. Sodiat a alors concurrencé un autre importateur de la marque nippone dans les années 1990 : le Français Gilles Souchaud, à l’époque très proche de Pierrot Rajaonarivelo, qui était alors vice-premier ministre des finances et qui occupait début 2013 le portefeuille des affaires étrangères. Sorafils a par la suite été rebaptisé Autodiffusion pour devenir l’une des filiales du groupe Sodiat.
José Andrianasolo siège au conseil d’administration de Madarail ainsi qu’à celui de l’agence de voyages de Mamy Ravatomanga Cap Mada, située à Antananarivo. En 2008, lorsque Mamy Ravatomanga a lancé son quotidien La Vérité, José Andrianasolo présidait le conseil d’administration de la Société malgache de communication & de presse (SMC presse), qui édite ce journal. Il était en outre le directeur de l’Hôtel de France, situé à Mahajanga et propriété de Ravatomanga.
José Andrianasolo est également président du conseil d’administration de l’Office régional du tourisme de Boeny (ORTB) depuis 1997.
Naina Andriantsitohaina
Né en 1964
Directeur général du groupe Andriantsitohaina
Membre du conseil d’administration d’Alutech
Membre du conseil d’administration de Madarail
Naina Andriantsitohaina est le fils unique du riche homme d’affaires Jean-Charles Andriantsitohaina, dont il a pris la relève à la tête des sociétés familiales, parmi lesquelles l’usine chimique Prochimad, l’entreprise de vente de matériel électrique Climatel, l’imprimerie Niag et le groupe de médias Ultima Media. Issu de la haute bourgeoisie merina, il est en affaires avec Mamy Ravatomanga, même s’il ne participe pas à toutes les opérations commerciales menées pas ce dernier et n’épouse pas tous ses engagements politiques. Il est ainsi plus distant de TGV que ne l’est Ravatomanga.
Toutefois, lorsque ce dernier a lancé un nouveau quotidien en 2009, Madagascar matin, Naina Andriantsitohaina, lui-même propriétaire du quotidien Les Nouvelles, a assuré l’assistance technique et l’impression du nouveau journal.
En 2011, les deux hommes d’affaires ont racheté les parts du directeur général d’Alutech Industries, Alban Ramanantsiarovana. Ils sont ainsi dorénavant à la tête de la société et Naina Andriantsitohaina préside le conseil d’administration, où siège également Mamy Ravatomanga. Tous deux siègent aussi au conseil d’administration de Madarail.
Les relations d’affaires entre les deux hommes remontent assez loin. Ainsi, en 2005, Mamy Ravatomanga s’était allié à Jean-Charles Andriantsitohaina, père de Naina, ainsi qu’à d’autres hommes d’affaires, parmi lesquels Taloumis Panayotis et Sylvain Rabetsaroana, pour essayer d’entrer au capital de l’Institut médical de Madagascar (IMM), une société spécialisée dans l’imagerie médicale, mais sans succès.
Naina Andriantsitohaina est également un patron de presse avec son groupe Ultima Media, créé en 2004, qui comprend une radio privée, Alliance 92, rachetée en 2005, et le quotidien Courrier de Madagascar, qui a été récemment intégré au site NewsMada.com, qui réunit toutes les publications du groupe. Ultima Media possède également le journal en malgache Taratra et s’est récemment lancé dans la téléphonie sous la marque Taratra Mobile. Outre son directeur général Naina Andriantsitohaina, Ultima Media compte comme administrateurs Razafy Andrianarivelo (frère de l’ambassadeur Zina Andrianarivelo-Razafy, représentant de Madagascar aux Nations unies depuis 2002) et les deux fils – Vassilis (26 ans) et Ioannis (28 ans) – du Malgache d’origine grecque Taloumis Panayotis.
Comme nombre de businessmen malgaches, Naina Andriantsitohaina a d’abord été séduit par le début de la présidence de Marc Ravalomanana avant de déchanter petit à petit, puis de pressentir sa chute, tout en demeurant assez neutre lors de la crise de 2009 qui a mené Andry Rajoelina au pouvoir. Cette retenue était aussi dictée par sa position de président du Groupement des entreprises de Madagascar (GEM) de 2005 à 2011.
En octobre 2012, sa Radio Taratra a été fermée sur ordre du ministre de la communication et porte-parole de TGV, Harry Laurent Rahajason dit « Rolly Mercia », qui est pourtant un proche de Mamy Ravatomanga, puisqu’il a été rédacteur en chef de son quotidien La Vérité.
Eric Razanamparany
Né en 1959
Directeur général de Sodiat
Directeur général de Sodiat depuis le début des années 2000, Eric Razanamparany est un collaborateur de longue date de Mamy Ravatomanga. Il dirige la Polyclinique d’Ilafy, qui fait partie de Sodiat, de même que la Société malgache de communication et de presse (SMC presse), qui édite le journal La Vérité lancé en 2008 par Mamy Ravatomanga.
En 2011, le ministre des finances Hery Rajaonarimampianina, lui-même proche de Mamy Ravatomanga, a nommé Eric Razanamparany comme administrateur de l’Etat au sein de la société Logistique pétrolière, qui s’occupe de gestion de dépôts pétroliers. Ce dernier siège également au conseil d’administration de Madarail aux côtés de Mamy Ravatomanga et de Naina Andriantsitohaina, de même qu’au conseil d’administration d’une société de Mamy Ravatomanga, l’immobilière Villa Pradon, aux côtés d’Andrianarifehy Razafindrambao.
Andrianarifehy Razafindrambao
Membre du conseil d’administration de Madagascar maintenance pétrolière
Directeur des affaires générales du groupe Sodiat
En 2011, Mamy Ravatomanga a modifié le statut d’une de ses sociétés, Madagascar maintenance pétrolière (MMP-BTP), qui fait partie du groupe Sodiat. Celle-ci a été transformée en société anonyme dotée d’un conseil d’administration (CA). Ravatomanga préside le CA, et il y a fait entrer un homme d’affaires peu connu jusqu’alors, Andrianarifehy Razafindrambao.
Ce dernier représente par ailleurs la SCI Lam, une société commerciale immobilière créée en 2002 et gérée par Mamy Ravatomanga, au conseil d’administration de la Villa Pradon, au sein duquel siège également Eric Razanamparany. Razafindrambao est directeur de plusieurs autres firmes du groupe Sodiat, à savoir Lam distribution, Autodiffusion (concessionnaires automobile) et Sodiatrans (transports). Il aurait été interrogé dans la cadre d’une enquête sur le trafic de bois de rose suite aux accusations portées contre le rôle qu’aurait tenu Sodiatrans dans le transport de cargaisons de ce bois.
- Les contacts tous azimuts
Outre ses alliés politiques et ses partenaires économiques réguliers, Maminiaina Ravatomanga possède d’autres connexions d’affaires qui dépassent parfois les frontières de la Grande Ile. En général, ces businessmen louent son sens des affaires.
Francis Dubernard
Né en 1950
Directeur général de Lafon
Francis Dubernard, directeur général de Lafon, une société française d’équipements pétroliers basée à Bassens (Gironde), travaille en collaboration avec le groupe Sodiat de Mamy Ravatomanga depuis une vingtaine d’années. En 2003, alors interrogé dans la presse sur les risques que comportait à l’époque le commerce avec Madagascar, il répondait : « pas plus que dans d’autres pays à partir du moment où on a le bon partenaire ». Une véritable déclaration de confiance à Mamy Ravatomanga, qu’il décrit toujours comme un industriel « professionnel et efficace ».
Il faut dire que leur coopération est étendue, puisque Mamy Ravatomanga a même enregistré quatre sociétés civiles immobilières en France pour gérer des biens à Saint-Sulpice-et-Cameyrac en Gironde, à l’adresse où est domicilié Francis Dubernard : la SCI Mialy, la SCI Aina, la SCI Ramy et la SCI Lovanirina, toutes quatre enregistrées également au nom de Nivo Rakotoniary, l’épouse de Mamy Ravatomanga. Ces firmes témoignent des liens entre l’homme d’affaires malgache et la France, où il envisage d’ailleurs d’implanter un bureau.
Fort de cette coopération avec le conseiller spécial du président Andry Rajoelina, Francis Dubernard s’est intéressé en 2010 au contrat de sécurisation des aéroports malgaches, que l’Aviation civile de Madagascar (ACM) avait alors accordé à la firme luxembourgeoise SRDI de Jean-Marc Demoulin. Il avait même contacté cette société pour lui proposer ses services comme intermédiaire auprès de la présidence malgache. Mais en vain.
Dubernard fait également partie du conseil d’administration de Cap Mada voyages, une agence de tourisme créée par Mamy Ravatomanga en 1998 et dont les autres administrateurs sont l’épouse de ce dernier, Nivo Rakotoniary, et son bras droit José Andrianasolo.
Membre de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Bordeaux, Francis Dubernard a fait partie, en juillet 2011, de la délégation de patrons français qui accompagnait le premier ministre français de l’époque, François Fillon, lors de sa tournée en Côte d’Ivoire, au Gabon et au Ghana.
Hui Chi Ming
Né en 1964
Président de la Banque industrielle et commerciale de Madagascar
Président de Madagascar Petroleum International
Président de Madagascar Mining Group
Consul de Madagascar à Hongkong, le Chinois Hui Chi Ming, 48 ans, préside le conseil d’administration de la Banque industrielle et commerciale de Madagascar (BICM) depuis 2004, ainsi que les entreprises pétrolière et minière Madagascar Petroleum International et Madagascar Mining Group.
Même s’il n’y a aucune trace apparente de partenariats commerciaux entre Hui Chi Ming et Mamy Ravatomanga, les deux hommes ont eu des contacts à plusieurs reprises. Le businessman chinois s’est implanté à Madagascar à l’époque du président Marc Ravalomanana et c’est Mamy Ravatomanga qui l’a introduit auprès d’Andry Rajoelina dit « TGV » dès l’accession de celui-ci au pouvoir, en 2009. Hui Chi Ming a ainsi pu conserver son passeport diplomatique malgache et ses fonctions de consul honoraire et de conseiller spécial en charge des affaires économiques et asiatiques, acquises sous Ravalomanana.
En contrepartie, il a pris en novembre 2009 le père de TGV, le colonel à la retraite Roger Yves Rajoelina, comme conseiller spécial et membre du conseil d’administration de la société qu’il dirigeait alors, Sino Union Energy Investment Group (Sunpec). L’intéressé n’a occupé ce poste que quelques mois et a fini par l’abandonner en juillet 2010 suite au tollé suscité par sa nomination au sein d’une société ayant des intérêts à Madagascar. Hui Chi Ming a également quitté Sunpec en 2010, mais Roger Yves Rajoelina est demeuré son conseiller à Madagascar.
Enfin, en août 2011, Hui Chi Ming a accompagné Neil Bush, le frère cadet de l’ancien président américain George W. Bush, à Madagascar pour rencontrer le président Rajoelina. Depuis novembre 2012, Hui Chi Ming et Neil Bush sont respectivement président et directeur de la société Karl Thomson Holdings.
Hassanein Hiridjee
Directeur général de First Immo
Président du conseil d’administration de Telma
Président de Data Telecom Service
Héritier avec son frère des affaires commerciales initiées par leur père, Hassanein Hiridjee est un businessman moderne, diplômé de l’Ecole supérieure de commerce de Paris (ESCP), ayant occupé plusieurs postes au sein d’institutions financières européennes avant de revenir dans son pays. Sans être un ami de longue date de Mamy Ravatomanga, il a d’étroites relations avec lui depuis deux ou trois ans.
En 2011, il lui a vendu le plus gros de ses parts dans Madarail (transport ferroviaire), une transaction dont Ravatomanga a scrupuleusement respecté les clauses et durant laquelle il s’est montré « très élégant », selon les propres termes d’Hiridjee. Depuis lors, les deux businessmen siègent côte à côte au conseil d’administration de Madarail et Hassanein Hiridjee ne tarit pas d’éloges en privé sur Ravatomanga.
Cette relation avec un conseiller du président de la transition peut aider Hassanein Hiridjee à éviter de se retrouver dans le collimateur du pouvoir en place comme certaines autres sociétés sujettes à des redressements fiscaux, par exemple. Toutefois, l’homme d’affaires, qui est également président de Telecom Malagasy (Telma), prend grand soin de ne pas apparaître comme un soutien politique de premier plan au président Andry Rajoelina afin d’éviter tout problème en cas de changement de régime.
Hassanein Hiridjee est directeur général de First Immo et de la compagnie Electricité de Madagascar (EDM), créée en 2005.
- Biographie
Les débuts et l’émancipation
Maminiaina Ravatomanga, dit « Mamy », est né en 1968 à Morondava, une petite ville balnéaire et touristique du sud-ouest du pays, dans une famille merina. Dans les années 90, Tovonanahary Rabetsitonta, alors professeur de démographie à l’Université d’Antananarivo et ministre de l’économie et du plan de 1993 à 1995 sous le président Albert Zafy, a créé la société de transport de carburant dénommée Sodiat Petro, en partenariat avec Mamy Ravatomanga. Les deux hommes entendaient tirer partie d’une décision de la Banque mondiale interdisant au gouvernement malgache d’utiliser les moyens ferroviaires pour acheminer l’approvisionnement en carburant d’Antananarivo. Mais ils se sont rapidement fâchés et Rabetsitonta a quitté la société après avoir vendu ses parts. Affranchi de cette alliance, Ravatomanga va alors entamer une collaboration avec José Andrianasolo, qui devient son numéro deux. Ensemble, ils ont diversifié les activités de Sodiat, via le rachat de la firme Sorafils, rebaptisée Autodiffusion (importation de véhicules Toyota), et en créant la Polyclinique d’Ilafy.
L’ère Rajoelina : l’essor
Le groupe Sodiat, déjà prospère, a réellement connu son plein essor avec l’arrivée au pouvoir d’Andry Rajoelina en 2009. Deux ans plus tard, le consortium Sodiat comprenant une douzaine de firmes dans des secteurs variés (transport routier, santé, hôtellerie, tourisme, médias, concessionnaire automobile, industrie) affichait un chiffre d’affaires annuel estimé à 60 milliards d’ariary (soit 21,11 millions €). Car ces dernières années, Ravatomanga a profité de toutes les opportunités pour racheter de petites sociétés en difficulté ou prendre des participations dans certains groupes plus importants. Ainsi, tout en étant membre du conseil d’administration de la compagnie aérienne nationale Air Madagascar, il a racheté en octobre 2011, en partenariat avec Naina Andriantsitohaina, la petite compagnie aérienne Trans Ocean Airways (TOA), créée en 2002 par l’Indien Nissat Dandjee. Un an auparavant, il avait acquis auprès de la société française Electricité et eaux de Madagascar (EEM) l’immeuble Villa Pradon, situé à Antananarivo, pour 2,7 millions € et où il a dorénavant ses bureaux.
En fait, 2011 a été une année bénie pour Ravatomanga. Il a racheté les parts d’Hassanein Hiridjee dans Madarail (transport ferroviaire) et a été nommé membre du conseil d’administration de cette compagnie ferroviaire. Il est également devenu avec Naina Andriantsitohaina actionnaire majoritaire d’Alutech Industries (menuiserie en aluminium), et a racheté les parts d’Haingo Rakotonirina dans une société de location de voitures, Nine Cars Rent, qu’il a intégrée à Autodiffusion. Il a également investi dans la société de gestion de dépôts pétroliers Logistique pétrolière, dont l’administrateur pour le compte de l’Etat malgache n’est autre qu’Eric Razanamparany, le commissaire aux comptes de Sodiat.
Mamy Ravatomanga est également présent dans le secteur hôtelier avec l’Hôtel de France ; le tourisme avec l’agence Cap Mada à Antananarivo ; ainsi que dans les médias avec le journal La Vérité, les radios et TV M3 et la Société malgache de communication (SMC), qui possède la Radio Feon’Itasy (RFI). Il a créé par ailleurs quatre sociétés immobilières en Gironde (France), toujours en 2011 : la SCI Mialy, la SCI Aina, la SCI Ramy et la SCI Lovanirina. Son épouse, Nivo Rakotoniary, également merina, compte parmi les administrateurs de ces SCI.
La controverse
Sa proximité politique avec le président Andry Rajoelina vaut à Mamy Ravatomanga de nombreux détracteurs, qui estiment que cette « relation incestueuse » est source de délits d’initiés potentiels et susceptible d’alimenter un sentiment d’impunité chez le businessman. Cela lui vaut donc quelques inimitiés tenaces, qui ont suscité de belles controverses publiques.
Ainsi, fin 2012, le tangalamena (chef de village) Patrick Zakariasy a accusé Mamy Ravatomanga de collusion avec la société chinoise Mainland Mining, dont la directrice générale à Madagascar est Ren Fang, dans une affaire de trafic de bois de rose. Zakariasy a saisi le Bureau indépendant anticorruption (Bianco), tandis que Mamy Ravatomanga a réagi en portant plainte contre lui et contre les directeurs de publication de plusieurs journaux locaux qui avaient relayé ses accusations.
Les sociétés de Maminiaina Ravatomanga
Le Groupe Sodiat
Sodiat : transport routier de marchandises conventionnelles ou containerisées
Sodiat Petro : transport routier d’hydrocarbures
Polyclinique d’Ilafy : une clinique, un service de maternité et de chirurgie spécialisée.
Annexe de la Polyclinique à Behoririka
M3TV / M3 FM : groupe audiovisuel diffusant dans la capitale de Boina
Société malgache de communication (SMC) : produit la Radio Feon’Itasy à Miarinarivo
Hôtel de France : hôtel 3 étoiles à Mahajanga
Cap Mada voyages : agence de voyages
Autodiffusion : commercialisation de véhicules de marques Toyota, Jeep, Chrysler
Madagascar maintenance pétrolière : maintenance industrielle et pétrolière
Lam Distribution : négoce, importation et vente de marchandises générales
Sodiatrans : transit et consignation, commissionnaire agréé en douanes
La Vérité : un quotidien et un hebdomadaire
Les autres sociétés :
Villa Pradon : société immobilière et immeuble
Trans Ocean Airways : compagnie aérienne
Air Madagascar
Madarail
Alutech Industries
Logistique pétrolière