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Le Journal de l'île Rouge
Société

Andry Rajoelina : une honte cachée par la solidarité de la population d’Anosibe an’Ala

La gazette de la grande île
26/10/20245 minute read

En 2021, le président Andry Rajoelina annonçait avec éclat son intention de réparer la Route Nationale 23A (RN23A), reliant Moramanga à Anosibe an’Ala. Sur le terrain, confronté à l’état catastrophique de cette voie vitale, il avait promis d’y remédier immédiatement. Trois ans plus tard, cette déclaration n’aura été qu’une de plus sur la longue liste de promesses restées lettre morte. La route, quant à elle, continue d’être un véritable chemin de croix pour les habitants.

Mais ce qui aurait pu rester un énième scandale de l’incompétence étatique a pris une tournure aussi triste que ridicule : la population d’Anosibe an’Ala, fatiguée d’attendre un État absent, mais soucieuse de préserver la dignité de son président, a organisé un téléthon. Oui, vous avez bien lu : un village isolé et délaissé a mis sur pied une levée de fonds pour sauver la face d’un chef d’État incapable d’honorer ses engagements.

Quand la Population Se Débrouille pour Faire le Travail de l’État

Le téléthon organisé par les habitants d’Anosibe an’Ala illustre à la perfection l’absurdité du rapport entre l’État et ses citoyens à Madagascar. Plutôt que de se révolter ou d’exiger des comptes, les habitants ont décidé d’agir eux-mêmes. Leur levée de fonds vise à réhabiliter une route que l’État a promis de réparer, mais qu’il a finalement abandonnée à son sort.

Cette initiative de la population est un acte d’une solidarité admirable, mais aussi une démonstration d’un dysfonctionnement profond. L’État, défaillant, n’assure plus ses missions les plus élémentaires, laissant des communautés rurales livrées à elles-mêmes. Et plutôt que de dénoncer publiquement l’inertie présidentielle, la population préfère prendre les choses en main, épargnant ainsi au président la honte d’un nouvel échec retentissant.

Le Téléthon : Générosité ou Dérision ?

Le ridicule de la situation ne saurait être ignoré. Imaginez un instant : un village sans ressources, à peine connecté au reste du pays, organisant une collecte de fonds pour assumer la charge d’un projet censé être pris en main par l’État. Cette mobilisation relève presque du théâtre de l’absurde. Dans d’autres pays, une telle initiative aurait soulevé l’indignation, provoqué des manifestations, voire un scandale national. À Madagascar, elle est accueillie avec une résignation silencieuse teintée d’humour noir.

Au lieu de s’interroger sur le manque de responsabilité gouvernementale, la population s’adapte. Loin de critiquer ouvertement Andry Rajoelina, elle se mobilise pour réparer ce qu’il a promis, mais jamais accompli. Une ironie cruelle qui souligne l’incapacité du régime à répondre aux besoins de ses citoyens tout en révélant une forme de dépendance affective du peuple vis-à-vis de son président.

Un Président en Déclin, mais Toujours Protégé par Son Peuple

Cette initiative d’Anosibe an’Ala témoigne aussi de la fragilité du pouvoir de Rajoelina, de plus en plus critiqué, mais encore épargné par une partie de la population qui semble vouloir préserver son image, comme on cacherait les échecs d’un proche en difficulté. Le paradoxe est flagrant : alors que le régime montre des signes d’essoufflement, le peuple choisit de le protéger plutôt que de le confronter.

Si ce téléthon témoigne de la résilience des Malgaches, il révèle surtout le triste état de leur gouvernance. En 2024, il est plus facile pour des villageois isolés de réunir des fonds que de compter sur les promesses d’un président. Le pouvoir de Rajoelina, fondé sur des annonces grandiloquentes et des projets jamais concrétisés, se maintient autant par l’inertie de l’État que par la complaisance d’un peuple résigné.

Une Route, un Téléthon et un Système à la Dérive

Ce téléthon n’est pas seulement un geste de solidarité. Il est aussi le symbole d’une démission de l’État et d’une politique de façade où les annonces se succèdent sans impact réel sur la vie des citoyens. Au lieu de prendre leurs responsabilités, les autorités laissent la population combler leurs lacunes – un schéma où la honte change de camp, passant du palais présidentiel aux villages oubliés du pays.

Avec cette RN23A, Andry Rajoelina aura non seulement manqué une promesse, mais aussi l’occasion de prouver qu’il pouvait encore être à la hauteur de ses ambitions. Anosibe an’Ala, de son côté, aura réparé plus qu’une route : il aura aussi, d’une certaine manière, tenté de sauver les apparences pour un président qui semble perdre pied. Mais à quel prix ?

Si Madagascar devait compter sur des téléthons à chaque promesse non tenue, le pays deviendrait bientôt le champion du monde des collectes de fonds. Quant à Rajoelina, il restera ce président dont les promesses, tout comme la RN23A, restent désespérément impraticables.

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