Madagascar, un pays aux ressources inestimables et à la culture riche, sombre chaque jour un peu plus dans la misère et l’injustice. Pourtant, les véritables problèmes qui gangrènent la nation ne sont pas la priorité des citoyens. Une simple fuite de vidéo intime impliquant un artiste célèbre a suffi pour capter l’attention nationale, reléguant au second plan des problèmes autrement plus cruciaux. En seulement trente minutes, la vidéo a été partagée plus d’un million de fois, et les réseaux sociaux ont été inondés de réactions indignées. Des artistes, des influenceurs, des politiciens, et même la porte-parole du gouvernement ont dénoncé une atteinte à la liberté personnelle et une humiliation publique.
Mais pendant ce temps, que se passait-il réellement dans le pays ?
Dans la même journée, pas moins de cinq vols avec agression ont été signalés. Des crimes d’une violence inouïe, incluant des meurtres à l’arme blanche accompagnés de tortures, ont été perpétrés sans susciter le moindre émoi collectif. Pendant que les Malgaches s’insurgeaient contre une sextape parmis tant d’autres, des populations dans le Sud mouraient de faim dans l’indifférence générale. Des forêts protégées partaient en fumée, des braconniers s’adonnaient à l’extermination d’espèces en voie de disparition, et des exportations illégales d’animaux endémiques avaient lieu sous les yeux complices des autorités.
D’un point de vue économique, les scandales financiers se succèdent sans provoquer de levée de boucliers. Un stade de 77 millions de dollars, inutilisable faute d’homologation, doit être remboursé par la population. Un projet de téléphérique inutile coûte 157 millions de dollars alors que les infrastructures essentielles sont en ruine. Des milliers d’habitations ont été démolies pour faire place à un parc aquatique voulu par le président. Pire encore, des hectares de rizières ont été détruits par les travaux d’une autoroute qui traverse sans scrupule des terres nourricières et menace deux des dernières forêts primaires du pays.
Pendant que la population se passionne pour des polémiques superficielles, la RN6, un axe vital pour le Nord du pays, devient quasi impraticable, isolant des milliers de Malgaches. Madagascar décroche le triste record du pays le plus pauvre du monde, avec plus de 80 % de sa population vivant en dessous du seuil de pauvreté extrême. La corruption est omniprésente, et pour couronner le tout, l’île a subi une coupure générale d’électricité et d’eau sur l’ensemble du territoire ce même jour. Pourtant, rien de cela n’a mobilisé les foules autant qu’une simple vidéo privée.
Alors, comment expliquer cette situation ?
Les distractions, orchestrées ou non, sont devenues un moyen efficace de détourner l’attention de la population des véritables enjeux. Un peuple qui ne regarde pas là où il faut est un peuple plus facile à manipuler. Pendant qu’il se scandalise pour des futilités, ceux qui détiennent le pouvoir continuent de piller le pays sans rencontrer de résistance. Ce phénomène n’est pas propre à Madagascar, mais il prend une ampleur dramatique dans un pays où les urgences sont vitales.
S’indigner pour une affaire privée, c’est une chose, mais fermer les yeux sur des injustices et des crimes qui condamnent des millions de Malgaches à la pauvreté et à la souffrance en est une autre. La priorité doit être de remettre les véritables enjeux au cœur des débats et d’exiger des comptes aux dirigeants qui dilapident les ressources du pays. Madagascar ne pourra se relever que si ses citoyens décident enfin de se battre pour ce qui compte réellement.