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Le Journal de l'île Rouge
Société

« Mihaingo ambony tsikoko » : Madagascar repeint ses façades pour la visite de Macron

La gazette de la grande île
08/04/20253 minute read

Alors que le président Emmanuel Macron s’apprête à fouler le sol malgache à l’occasion du sommet de la Commission de l’Océan Indien (COI), le régime malgache se lance dans une vaste opération de « nettoyage de vitrine ». Peinture fraîche sur les murs, bitume déversé à la va-vite dans les nids-de-poule, éviction des vendeurs de rue jugés « inesthétiques », balayage de façade — tout est mis en œuvre pour donner une image de Madagascar propre, stable et accueillant.

Mais personne n’est dupe. Pas même Macron.

Mihaingo ambony tsikoko, dit-on en malgache. Littéralement : s’habiller par-dessus la saleté. C’est exactement ce que fait l’État malgache en ce moment. On ne résout pas les problèmes, on les cache. On ne traite pas les causes, on maquille les conséquences. Le temps d’une visite, on veut faire croire que tout va bien. Qu’on maîtrise la situation. Que le pays avance.

Mais derrière les murs fraîchement repeints se cache la misère, bien réelle, bien installée. Derrière les rues provisoirement éclairées se trouvent des quartiers entiers plongés dans le noir depuis des mois. Derrière les gardes postés à chaque coin de rue se trouvent des citoyens livrés à eux-mêmes une fois la caravane présidentielle passée. Car ici, la sécurité n’est assurée que lorsqu’elle est visible par les étrangers. Le reste du temps, c’est chacun pour soi.

Le plus ironique dans tout ça ? Le président Macron s’apprête à visiter ce que la Banque Mondiale considère comme le pays le plus pauvre du monde. Il sait très bien où il met les pieds. Et ce n’est pas une couche de peinture ni quelques kilomètres d’asphalte de dernière minute qui vont camoufler la réalité.

Ce n’est pas juste une visite présidentielle. C’est, symboliquement, un chef d’État qui rend visite à celui qui, sur le papier, est aussi… son concitoyen. Car rappelons-le, Andry Rajoelina, président de Madagascar, détient aussi la nationalité française. Ce n’est pas tous les jours qu’un pays accueille le président de son président.

Alors forcément, il faut que tout brille. Que tout paraisse sous contrôle. Rajoelina veut impressionner. Il veut convaincre que son mandat a été un succès. Il veut cacher son échec sous un tapis rouge.

Mais personne n’est dupe.

On sait que les gens qu’on éloigne des trottoirs pour « faire propre » ont faim. On sait que l’eau potable est un luxe. Que l’accès aux soins est un cauchemar. Que l’école publique est en ruine. Que les jeunes rêvent de partir, pas de rester. Et que la majorité de la population ne verra jamais les millions dépensés pour cette visite.

Ce n’est pas Macron qui doit être impressionné. Ce sont les Malgaches qui attendent des comptes.

Et même si le décor tient debout le temps d’un passage en cortège, ce que Macron verra à travers les vitres blindées de sa voiture, c’est un pays en façade. Un pays qui survit à coups de mascarades. Un pays qui s’habille au-dessus de la saleté.

Mais derrière les apparences, le peuple n’oublie pas. Et l’Histoire, elle, ne s’écrit pas avec de la peinture fraîche.

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