Alors que Madagascar vient de réaffirmer son attachement à la gestion durable de ses forêts lors de la 20ᵉ session du Forum des Nations Unies sur les forêts à New York, un profond paradoxe frappe l’opinion publique et les observateurs environnementaux. D’un côté, le pays se positionne en fervent défenseur de ses écosystèmes, aux côtés des autres membres de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), soulignant l’urgence de restaurer les forêts dégradées de lutter contre la déforestation illégale et de renforcer la résilience climatique. De l’autre, les autorités malgaches poursuivent avec obstination un projet autoroutier titanesque… en plein cœur de ce qui reste de forêt primaire.
L’autoroute de la discorde
Le projet d’autoroute en question, censé relier Antananarivo à Toamasina en un temps record, implique la traversée directe de zones forestières encore intactes, abritant une biodiversité unique au monde. Ce chantier pharaonique, dont le budget colossal soulève déjà de nombreuses inquiétudes, menace de raser l’un des derniers remparts naturels de l’île contre les effets du changement climatique, l’érosion des sols et l’extinction massive des espèces.
Ce projet incarne l’absurdité de politiques publiques qui, sous couvert de développement économique, sacrifient un capital naturel irremplaçable. La forêt primaire malgache, sanctuaire d’espèces endémiques comme le lémurien, caméléon ou plusieurs variétés d’orchidées, ne vont pas survivre à cette course au béton.
Où sont passés les financements verts ?
Le paradoxe ne s’arrête pas à la destruction de l’écosystème forestier. Depuis des années, Madagascar bénéficie de financements internationaux destinés à la conservation de l’environnement : programmes REDD+, fonds verts pour le climat, projets de reforestation, appuis techniques et subventions de coopération. Pourtant, sur le terrain, les résultats sont timides, dispersés, voire invisibles. Pire encore : aucun mécanisme sérieux de suivi, d’évaluation ou de transparence n’existe quant à l’utilisation effective de ces fonds.
Des ONG locales tirent régulièrement la sonnette d’alarme sur les détournements, le manque de concertation avec les communautés, ou encore la mise en œuvre bâclée de projets environnementaux dont les impacts positifs sont largement surestimés dans les rapports officiels.
Entre discours internationaux et réalités locales
La participation active de Madagascar à des forums internationaux donne l’impression d’un pays mobilisé pour la planète. Toutefois, dans les faits, cette posture s’accompagne de décisions qui contredisent radicalement les engagements pris. Ce double discours est de plus en plus dénoncé par les citoyens, les scientifiques et les défenseurs de l’environnement.
La construction d’une autoroute à travers la forêt primaire envoie un message clair : le développement rapide à tout prix est privilégié, au détriment de la conservation de l’un des patrimoines naturels les plus riches de la planète. Et tout cela, sur le dos des générations futures, qui devront non seulement rembourser l’endettement massif engendré par ce projet, mais aussi affronter les conséquences écologiques irréversibles d’une forêt disparue.
Quelle voie pour Madagascar ?
L’avenir de Madagascar ne se joue pas uniquement dans les forums internationaux, mais dans les décisions concrètes prises à Antananarivo. La cohérence entre discours et actions, la reddition de comptes sur les fonds alloués à l’environnement, et la participation réelle des communautés locales doivent devenir des priorités.
Construire l’avenir ne peut se faire en détruisant les racines. La forêt primaire malgache n’est pas un obstacle au progrès, mais un pilier essentiel de la résilience, de la souveraineté alimentaire, de l’eau, du climat, et de l’identité même du pays.
Ce n’est pas d’une autoroute à travers la forêt dont Madagascar a besoin. C’est d’une vision claire, durable, honnête — et surtout appliquée.
Madagascar : un double discours entre engagement environnemental et destruction forestière
La gazette de la grande île
20/05/2025•4 minute read
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