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Le Journal de l'île Rouge
La une

Ce que valent les îles Éparses que la France refuse de rendre à Madagascar – Chronique d’un pillage moderne et d’une République dirigée par un colon.

La gazette de la grande île
26/05/20255 minute read
Les îles Éparses, dispersées comme des miettes coloniales dans le canal du Mozambique, valent plus que de l’or. Elles offrent à la France une zone économique exclusive (ZEE) de plus de 640 000 kilomètres carrés — un empire maritime silencieux, truffé de richesses halieutiques, de gisements de pétrole et de gaz encore inexploités, de réserves biologiques précieuses, et de routes maritimes parmi les plus stratégiques du globe. Pendant que Madagascar se bat pour remplir ses caisses et nourrir ses enfants, Paris engrange — tranquillement — les dividendes d’un trésor marin accaparé sous des prétextes écologiques et géopolitiques.
Pétrole, gaz, poissons, routes : l’or bleu du XXIe siècle.
D’après des projections établies par plusieurs études océanographiques et énergétiques, l’exploitation pétrolière autour de Juan de Nova et Europa pourrait rapporter entre 2 et 3 milliards d’euros par an à l’État français, si elle était pleinement engagée. Les ressources en gaz, encore plus vastes dans certaines zones profondes, atteindraient plus de 100 milliards de mètres cubes, équivalent à plusieurs décennies de consommation domestique française. Quant à la pêche, les droits vendus aux flottes asiatiques et européennes dans une opacité absolue généreraient plus de 50 millions d’euros par an. Sans compter les revenus logistiques et stratégiques liés au contrôle d’un des corridors maritimes les plus fréquentés au monde, entre le golfe d’Aden et Durban, véritable artère du commerce mondial.
Et Madagascar ? Elle regarde. Elle espère. Elle se tait.
Car la France refuse de parler de restitution. Elle préfère évoquer une “cogestion”, c’est-à-dire une manière polie de continuer à dominer sans céder un centimètre de souveraineté. Elle augmente, d’un côté, son “aide au développement”, pour mieux, de l’autre, verrouiller militairement l’accès à ces îles, sous le noble prétexte de protéger la biodiversité. Une écologie coloniale, en quelque sorte : verte en surface, mais noire de pétrole dans les abysses.
Macron, en monarque républicain, Rajoelina en vassal docile.
Et voilà qu’arrive Emmanuel Macron à Antananarivo, accueilli comme le roi soleil par une République qui s’ignore. Toutes les rues furent nettoyées, repeintes, les marchands de rue chassés à coups de matraque, les marchés populaires rasés, les pauvres dissimulés comme une honte. L’État a même saccagé les petits commerces qui bordaient les routes, pour que l’illusion coloniale soit parfaite. Un pays vidé de sa dignité pour offrir au président français une parade tropicale, grotesque et humiliante.
Pendant ce temps, Rajoelina, président à passeport français — ce qui le rend inconstitutionnel —, ne dit pas un mot sur les îles Éparses. Pas une syllabe. Pas un souffle. Il remercie pour “l’effacement d’une dette”, comme un domestique remercierait le maître pour avoir éteint la lampe. Pendant que le président des Comores, lui, ose réclamer haut et fort la restitution de Mayotte, Rajoelina baisse les yeux, s’incline, implore des “partenariats équilibrés”, et se tait sur un des pillages les plus cyniques de notre époque.
Et pourtant, l’Angleterre vient de restituer les îles Chagos à l’île Maurice. Le 23 mai dernier, dans le silence complice des chancelleries, Londres a plié sous la pression internationale. Le droit a parlé. La justice a triomphé. Et Madagascar ? Elle dort. Ses dirigeants dorment. Ou plutôt : ils collaborent.
Ce que la France gagne ici, ce n’est pas que de la géographie. C’est un empire.
Un empire invisible, mais réel. Elle y place ses bases militaires. Elle y teste ses dispositifs d’observation satellite. Elle y renforce sa position diplomatique dans l’océan Indien, en rivalité avec la Chine, l’Inde et les puissances du Golfe. Pendant que Madagascar, propriétaire légitime, est reléguée au rang de mendiant diplomatique.
Et ce que Madagascar perd dans ce silence, ce ne sont pas que des îlots. Ce sont des océans de dignité. Des milliards détournés. Des générations condamnées à la pauvreté pendant que d’autres festoient sur des plages volées. Ce n’est plus de la politique. C’est de la prédation. Ce n’est plus un différend territorial. C’est une reddition historique. Ce n’est plus un désaccord bilatéral. C’est un enterrement national.
Tant que Madagascar sera dirigée par un président étranger, naturalisé dans l’ombre comme on trahit dans la nuit, tant que le pouvoir sera aux mains de ceux qui gouvernent en français et comptent en euros, tant que les morts de 1947 continueront de crier dans le silence des fosses communes sans qu’on leur rende justice, les îles Éparses resteront ce qu’elles sont devenues : le miroir d’un État vaincu, vendu, trahi.
Ce que la France refuse de dire, c’est que ces îles sont l’assurance-vie énergétique de demain.
Et ce que Madagascar ne dit pas, c’est qu’elle préfère les illusions coloniales aux révoltes souveraines. Mais l’histoire, elle, ne dort jamais. Elle attend. Elle pèse. Et tôt ou tard, elle présente l’addition.
Les îles Éparses ne seront pas rendues par gentillesse. Elles ne seront arrachées que par un sursaut. Par une souveraineté debout. Par un peuple réveillé. Et par des dirigeants qui cesseront enfin d’agir comme des sous-préfets tropicaux au service d’un empire qui ne dit pas son nom.
Publié par la rédaction d’Afrique Indépendante 2.0
Parce qu’on ne négocie pas avec le vol. On le combat.
Afrique indépendante 2.0
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