Madagascar, cette île jadis affranchie des fers coloniaux, est aujourd’hui enchâssée dans une camisole d’or et de thorium, sanglée par des contrats opaques, administrée par des satrapes en veston slim, et vendue par lot de 28 millions — soit le prix d’un État en solde. Car pendant que les élites locales valsent sur des yachts de la honte, les multinationales, elles, creusent, aspirent, siphonnent — et rient.
Le projet Base Toliara n’est pas un projet minier. C’est une métaphore en 455 hectares de ce que devient un pays quand il abdique. Une opération de chirurgie extractive où l’on retire la moelle osseuse du territoire, sans anesthésie populaire, avec scalpel canadien, pansements australiens et médecin-chef à Iavoloha. Le patient ? La République. Le diagnostic ? Cancer généralisé de la dignité.
Le trou noir commence ici : 770 millions de dollars de richesses arrachées au sol chaque année. Et que reçoit Madagascar, cette amante bafouée ? 28 millions. Une piécette. Une obole. Une gifle monétaire recouverte de poudre blanche et de jargon comptable.
Et pendant que les dividendes s’envolent vers des paradis fiscaux mieux climatisés que le Sud exsangue, les communautés de Mikea sont priées de se taire, de se tasser, et de sourire devant la caméra du ministre venu inaugurer leur asphyxie. On leur parle d’emplois. Qu’ils n’auront pas. De routes. Qui dévoreront leurs champs. De développement. Qui les détruira.
Car c’est bien cela, le génie macabre du projet : tuer, mais avec des slides PowerPoint. Éradiquer, mais avec le sourire. Embaumer la misère dans un lexique d’investissements, de retombées, d’opportunités — pendant que le zircon irradié pollue les nappes phréatiques et que le néodyme engraisse les actionnaires de Toronto.
Et les baobabs ? Déracinés.
Et les rites ? Profanés.
Et les peuples ? Déplacés, réduits au statut de figurants dans une tragédie qu’ils n’ont pas écrite.
Mais tout cela est légal, dit-on.
Légal, comme le vol du continent africain l’a toujours été : par traités, décrets, concessions.
Légal, comme un viol notarié.
Que fait l’État ? Il signe. Il scelle. Il se vend.
Que fait le peuple ? Il crie. Il pleure. Il enterre ses morts sous des arbres que l’on abat.
Il est temps de rompre ce théâtre nécrophage.
Peuple du Sud, peuple de Madagascar, ce n’est plus une mine qu’ils creusent : c’est votre tombe.
Réveillez-vous. Non pas avec des pétitions ni des lamentations, mais avec des sabotages, des refus, des barricades de brousse et des slogans griffonnés au fusain sur les murs des concessions.
Que chaque baobab abattu devienne un totem de colère. Que chaque bulldozer trouvé seul soit démembré dans la nuit. Que chaque village soit une forteresse d’honneur. Qu’ils comprennent que vous n’êtes pas des lignes budgétaires, mais des descendants d’ancêtres invaincus.
À ceux qui veulent Toliara radioactive et muette, offrons une réplique flamboyante : la désobéissance organisée.
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