En 2018, lors de sa campagne présidentielle, Andry Rajoelina avait promis aux Malgaches que la souveraineté alimentaire serait atteinte en cinq ans. Avec sept années cumulées à la tête du pays, cette promesse apparaît de plus en plus lointaine, voire illusoire, face à la réalité que vivent des millions de citoyens, en particulier les enfants.
Selon les estimations pour 2025, près de 1,8 million de personnes pourraient nécessiter une aide alimentaire d’urgence à Madagascar. Les régions du Grand Sud et du Sud-Est, régulièrement frappées par la sécheresse, les inondations ou encore les cyclones, restent les plus vulnérables. Et si les chiffres globaux sont déjà alarmants, ils cachent une réalité encore plus grave : les enfants sont les premières victimes de cette pauvreté alimentaire grandissante.
Un développement compromis dès le plus jeune âge
La pauvreté alimentaire ne se limite pas à un estomac vide. Elle désigne l’impossibilité d’accéder à une nourriture suffisante, nutritive, sûre et adaptée. Pour un enfant en pleine croissance, cela se traduit par des conséquences souvent irréversibles. À Madagascar, plus de 39% des enfants de moins de cinq ans présentent un retard de croissance, un indicateur direct de malnutrition chronique.
Cette situation compromet non seulement leur santé immédiate, mais aussi leur avenir : difficultés d’apprentissage, vulnérabilité accrue aux maladies, retard cognitif… Un cercle vicieux qui perpétue la pauvreté sur plusieurs générations.
Une promesse de souveraineté restée lettre morte
En annonçant la souveraineté alimentaire en cinq ans, le président Rajoelina s’était engagé à faire de Madagascar un pays capable de nourrir sa population avec ses propres ressources. Pourtant, sept ans plus tard, le pays importe toujours une part importante de ses besoins alimentaires – notamment du riz – et les structures agricoles restent largement dépendantes des aléas climatiques, sans mécanismes de résilience à grande échelle.
La crise économique persistante, aggravée par la pandémie de Covid-19 puis par l’inflation mondiale, a certes compliqué les ambitions. Mais l’absence d’investissements structurants, la mauvaise gouvernance locale, le manque de soutien aux petits producteurs, et la faible transformation agroalimentaire sont autant de facteurs internes qui ont contribué à l’échec de cette ambition.
Facteurs aggravants : climat, culture et inégalités
Madagascar n’est pas un pays en guerre. Contrairement à d’autres nations touchées par la pauvreté alimentaire, le conflit armé n’est pas un facteur ici. Mais d’autres éléments jouent un rôle crucial : les catastrophes naturelles qui s’intensifient avec le changement climatique, mais aussi des facteurs sociaux et culturels, comme l’inégalité entre les sexes ou certaines pratiques alimentaires qui défavorisent les enfants ou les femmes enceintes.
Le constat : un pays encore loin de nourrir les siens
En 2025, Madagascar reste profondément dépendant de l’aide humanitaire pour faire face aux besoins alimentaires urgents. Une dépendance qui contraste tristement avec le discours d’autonomie alimentaire tenu il y a quelques années.
Les objectifs de souveraineté alimentaire nécessitent des politiques claires, cohérentes et durables. Ils impliquent de renforcer la résilience agricole, de soutenir les petits producteurs, d’investir dans les infrastructures rurales et surtout, de placer les enfants et les femmes au centre des priorités nutritionnelles.
La situation actuelle appelle moins des slogans et des promesses que des actions concrètes et mesurables. Car pendant que les discours politiques s’accumulent, des générations entières grandissent sans les bases essentielles pour se développer pleinement.