Pour une révision de la Convention d’établissement entre l’Etat Malagasy et QMM SA au bénéfice des communautés locales impactées et de la population malagasy, et élaborée avec une approche inclusive et participative.Nous, les Organisations de la Société Civile actives dans le secteur extractif à Madagascar, regroupant des associations et ONG nationales et internationales, ayant plus de 100 ramifications dans tout le territoire de Madagascar, en tant que gardien des intérêts citoyens, et aussi de l’intérêt général, nous attirons l’attention des autorités compétentes face à une situation préoccupante à l’égard du projet d’exploitation d’ilménite de Fort-Dauphin.
L’opacité du processus de renouvellement de la Convention d’Etablissement régissant ce projet.
Faute de loi sur les grandes mines à l’époque pour régir le projet d’exploitation d’ilménite de Fort-Dauphin, un contrat spécifique, ayant une force de loi d’une durée de 40 ans dénommé « Convention d’établissement » a été signé le 12 février 1998, entre l’Etat Malagasy représenté par OMNIS et le QIT-Fer et Titane Inc . Les vingt-cinq années d’application des dispositions fiscales et douanières dans cette convention expiraient en février 2023. Après des années de négociation, entre deux parties, le gouvernement Malagasy et la compagnie QMM, son renouvellement a été adopté respectivement en Conseil des ministres le 21 juin 2023 dernier et par l’Assemblée Nationale en date du 23 juin 2023 et la HCC le 08 août 2023 dernier. En effet, le gouvernement malagasy à travers le Ministère des Mines et des Ressources Stratégiques s’est déclaré satisfait quant à la série d’innovations y apportées, tant sur le plan fiscal que sur la protection de l’environnement, renforçant les bénéfices pour Madagascar ,entre autres: l’effacement de l’avance de 77,2 millions de dollars consentie par QMM à l’État au titre de l’augmentation du capital en 2012 et 2015, la participation de l’Etat malagasy aux éventuelles futures recapitalisations qui ne serait plus obligatoire, augmentation du taux de redevance minière de 2 à 2,5%.
Sans être exhaustive, la légitimité de cette Convention d’Etablissement révisée qui a fait son chemin en silence risque fort d’être remise en cause étant donné que les parties prenantes régionales, notamment les communautés locales impactées, qui en subissent toutes les conséquences négatives, n’ont pas été impliquées dans les négociations et décisions, ni consultées pour leurs opinions. Dans cette optique, si cette convention d’établissement a une force de loi, on se demande pourquoi dans son renouvellement, une approche inclusive et participative n’a pas été enclenchée comme le Ministère des Mines avait prôné et effectué lors de la révision du code minier.
Une intensification des actes de contestation contre le projet risque de s’aggraver
Il n’est plus à démontrer l’existence des manifestations récurrentes des populations locales contre les activités de QMM, marquées par des actes de violences, des conflits et de dysfonctionnements du projet, obligeant le gouvernement à calmer le feu sans pour autant l’éteindre, ni résoudre les problèmes de divergence. Face à cette situation, la compagnie QMM et l’Etat ont toujours réclamé que le dialogue et les discussions s’effectuent non sous la pression de la rue mais dans un cadre apaisé et structuré. Depuis 2013, ces populations locales se disent bafouées et demandent à ce que le projet prenne en compte leurs intérêts. À cet égard, il convient de rappeler que lors de la descente effectuée par les Organisations de la Société Civile en 2021 et 2023, sur les sites d’exploitation de QMM, force est de constater que les communautés locales impactées sont conscientes que leur avenir est compromis, du fait de la perte de leurs moyens de substance en contrepartie des compensations financières qui sont rapidement dépensées. Dans le même ordre d’idée, certaines d’entre elles sont frustrées et se désintéressent même aux activités génératrices de revenue (AGR) mises en œuvre par les ONG mandatées par QMM. A notre humble avis, le renouvellement de cette convention n’est-il pas une occasion pour mettre en place un cadre structuré de dialogue afin d’apporter des solutions pérennes face aux préoccupations de ces communautés, principales sources de conflits récurrents ?
Certaines dispositions sont farfelues et confuses
Il est à signaler que cet avant-projet de loi présente des dispositions farfelues et obscures qui prêtent à confusion et leurs applications pourraient être interprétées au détriment de l’intérêt de la nation malagasy. En effet, il y est stipulé que l’Etat s’engage d’ores et déjà à prendre l’ensemble des mesures nécessaires à la demande de QMM SA pour que son Permis d’Exploitation soit renouvelé au terme de sa période initiale. En d’autres termes, à l’expiration du permis d’exploitation de QMM, l’état s’engage tacitement à son renouvellement. Au regard de la dynamique du secteur des industries extractives au niveau national et international, tout peut changer, est-ce raisonnable pour l’Etat malagasy de donner cette garantie à la compagnie QMM dès aujourd’hui ?
En termes d’impôts locaux, il est mentionné dans cet avant-projet de loi que la taxe professionnelle et l’impôt foncier sur les propriétés bâties ne sont plus applicables en droit malagasy et conviennent par conséquent que la compagnie QMM SA sera exonérée du paiement de ces taxes (Article 19 avenant de la convention d’établissement). Comment se fait-il que la compagnie QMM soit exonérée de ces taxes alors que ces dernières constituent une source de revenu des communes impactées?
Egalement, dans cette convention révisée, le taux de redevance minière de QMM sera passé de 2 à 2,5% (Article 7.2.4, avenant de la Convention d’Etablissement), contre 5 % dans le nouveau code minier qui vient d’être adopté par les deux chambres parlementaires, et voté conforme à la constitution par la Haute Cour Constitutionnelle. Par ailleurs, aucune mention dans les nouvelles dispositions prises en conseil des ministres que le projet fera de transformation sur place des minerais et qu’ils ne seront plus exportés à l’état brut. Alors, on se demande en vertu de quoi, le projet d’exploitation d’ilménite de Fort-Dauphin ne sera pas assujetti d’un taux de redevance de 5% au même titre que tout projet minier en phase d’exploitation ?
En raison de toutes ces préoccupations, nous exhortons ainsi les autorités compétentes à :
– Restituer auprès des Collectivités Territoriales Décentralisées et des communautés locales impactées par le projet d’exploitation d’ilménite de Fort-dauphin, les tenants et aboutissants des nouvelles dispositions adoptées, et de montrer leurs intérêts et bénéfices pour les populations locales ;
– Discuter lors des séances de restitution leurs préoccupations et leurs attentes en termes des retombées et d’impacts socio-environnementaux du projet, avec les concours des Organisations de la Société Civile nationales et régionales ;
– Revoir les aspects farfelus et clarifier les dispositions qui prêtent à confusion ;
– Avant l’entrée en vigueur de cet avenant de la convention d’établissement révisée, prendre en compte les propositions pertinentes de ces parties prenantes régionales et locales ;
Fait Antananarivo le 23 août 2023