A peine les résultats annoncés par la HCC, Cédric Vazaha s’est envolé pour assister à la COP 28 à Dubaï. Trop heureux de recevoir les félicitations du Comorien président de l’Union Africaine, du président du Sénégal et de celui du Brésil.
Il s’est tout de suite auto-investi Président de la République.
Vous aurez remarqué que la lettre de présentation de la délégation mentionne bien que Sem le PRM (sic !) Andry Rajoelina est bien le président de la République. Vient ensuite sous la même institution PM Ntsay Christian de la Primature (sans doute pour ne pas le vexer, car légalement il « partage » encore les fonctions de président de la République par intérim avec Baomba).
Ce faisant, Cédric Vazaha vient de faire un coup d’Etat (institutionnel ou vrai ?). Nous attendons sereinement les actions qu’entameront Baomba Korotamby et la HCC.
Au risque d’être déçu, il n’y a rien à en attendre au vu des évènements de ces dernières semaines. Le clou du spectacle, c’était l’annonce par la HCC de l’élection Cédric Vazaha après le rejet de toutes les plaintes du candidat Siteny et la prise en compte de celles de Cédric Vazaha élu à 58,96%.
Un résultat pour Cédric Vazaha meilleur que les résultats provisoires affichés par la CENI !
Une course à l’échalote pour désigner le champion du lèche-bottes ! Et le vainqueur est…la HCC.
Que va trouver la HCC pour ne pas disqualifier Cédric Vazaha ?
http://www.hcc.gov.mg/?p=8619 , l’arrêt n°008-HCC/AR du 1er décembre 2023 portant proclamation des résultats.
Article 15.- Monsieur RAJOELINA Andry Nirina est proclamé élu Président de la République de Madagascar au premier tour de l’élection présidentielle. Il prendra ses fonctions à partir de sa prestation de serment en audience solennelle de la Haute Cour Constitutionnelle.
Cet article paraît très clair, et n’a certainement pas besoin d’un décret du gouvernement comme risquerait de le dire la HCC, en référence à la perte de la nationalité malagasy par Cédric Vazaha.
Ne pensez pas non plus que les félicitations reçues à Dubaï valent investiture officielle : Cédric Vazaha ne sera officiellement Président qu’après sa prestation de serment (la fera-t-il avec la Bible, la Torah, ou le Coran cette fois) ?
Sur 11 043 836 électeurs inscrits, 2 858 947 ont été déclarés officiellement avoir voté pour Cédric Vazaha. Autrement dit, 8 184 889 électeurs n’ont pas voté pour lui, soit plus de 74% des électeurs.
« Vox populi, vos Dei » (Izay sitrak’Andriamanitra no tendreny hitantana ny Firenena), s’est pourtant empressée d’annoncer la ministre de la Justice Landy Mbolatiana Randriamanantenasoa.
Cédric Vazaha a certes été élu légalement, mais ne pourra jamais prétendre avoir été élu légitimement et c’est une épée de Damoclès au-dessus de sa tête à partir de dorénavant et jusqu’à désormais inclus.
Nous demandons à la PAN de saisir officiellement la HCC pour dénoncer ce coup d’Etat.
Tout comme nous le demandons également à Baomba Korotamby, qui ne peut même pas profiter tranquillement de ses fonctions de président par intérim jusqu’au 16 décembre date programmée de l’investiture. Et si encore Cédric Vazaha avait eu la délicatesse de l’emmener à Dubaï !
Pour conclure, nous reprenons volontiers l’article de notre confrère en ligne Madagascar tribune, qui prévoyait à l’avance les risques d’arrogance et de dérapages :
https://www.madagascar-tribune.com/Derriere-le-megalomane-l-apprenti-dictateur.html
Derrière le mégalomane, l’apprenti-dictateur ?
mardi 28 novembre | Ndimby A., Patrick A.
Même si elle manque d’élégance et de moralité, la stratégie du clan Rajoelina s’est avérée efficace. L’alliance de fait mise en place pour assurer sa réélection a joué efficacement son rôle, tant au niveau politique (l’Union pour Andry Rajoelina autour du parti TGV), institutions électorales (CENI, HCC), forces de répression, sans oublier les différents rouages de l’administration. Si la victoire au premier tour est claire dans les circonstances extrêmement discutables et discutées de la présidentielle biaisée de 2023, le niveau de participation déclaré par la CENI (46,36%) continuera à être considéré par beaucoup comme artificiel. L’hypothèse de manipulations pour le gonfler afin de limiter l’humiliation d’une abstention record et afficher qu’Andry Rajoelina aurait obtenu plus de voix qu’en 2018 n’est pas impossible, même si la mégalomanie du candidat à la réélection s’est abstenue des taux victorieux des dictatures africaines d’autrefois, entre 90% et 100%.
Car c’est bien de mégalomanie dont il s’agit. Andry Rajoelina a un ego hypertrophié qui ne supporte pas d’être surpassé, et personne n’a été capable de baliser ses lubies. Il voulait pouvoir dire qu’il était capable de remporter une victoire au premier tour comme Marc Ravalomanana en 2006. Il voulait pouvoir dire qu’il a un 6ème dan en art martial comme Siteny. Il voulait pouvoir dire qu’il a laissé son empreinte dans l’enceinte sacrée du Rova d’Antananarivo comme les monarques d’antan, malgré son absence totale de légitimité pour ce faire. À chaque fois, les Malgaches ont laissé faire, et les gardiens du Temple, chacun dans leurs domaines, ont été impuissants.
Andry Rajoelina a toujours trouvé les alliances nécessaires pour réaliser ses dérives. Un Hanshi 10ème dan pour le grade de karaté ; des andriana félons pour le Colisée ; des officiers pour intimider et réprimer l’opposition ; des institutions et des fonctionnaires pour le premier tour dia vita ; un général obéissant et brutal pour protéger les intérêts au pouvoir pendant la Transition ; une Académie militaire pour ériger un musée au culte de la personnalité, etc.
Ambohitrimanjaka, comme le village gaulois qui résiste à l’envahisseur
Il n’y a eu qu’un seul point sur lequel les citoyens ont réussi à faire échouer le rouleau compresseur des envies fantasques depuis 2019 : le projet Tanamasoandro à Ambohitrimanjaka. Mais pour le reste, depuis le coup d’État de 2009 jusqu’à la nationalité française du candidat à la présidentielle malgache, en passant par l’initiative du téléphérique, tout le monde a fini par se coucher devant Rajoelina et son éminence bleue : par peur, par lassitude, ou par vénalité. Ce mouvement du Collectif des candidats finira aussi par s’éteindre pour les mêmes raisons. L’argent n’a pas d’odeur, mais il a la voix des sirènes.
Rajoelina a choisi le forcing d’une victoire électorale au premier tour malgré le déficit flagrant de légitimité de la méthode, aggravé par un prévisible taux d’abstention record, en escomptant sans doute que son expérience post-coup d’État de 2009 lui permettrait ensuite de mater les résistances, y compris celles de la communauté internationale. Il y a cependant un changement majeur avec cette élection : la communauté internationale semble commencer à abandonner ses habituels posture et langage diplomatiques. L’absence des ambassadeurs invités par la CENI lors de la proclamation des résultats officieux est un message. Le contenu du communiqué de l’OIF en est un autre. Toutefois, comme l’a souligné le bureau de Transparency-International à Madagascar, le jeu de la communauté internationale reste ambigu. Avec la victoire d’un candidat français qui a prêté allégeance à la France, on imagine déjà quelle grande puissance pourrait être tentée de pousser à la roue afin de faire avaler la pilule.
Risques d’arrogance
Depuis quelques temps, le clan Rajoelina accumule les dérapages sans scrupules. Il est à prévoir que le train de la mégalomanie et de l’arrogance grossira après cette victoire au premier tour, et les dérives dictatoriales viendront dans ses wagons. En effet, faute de pouvoir convaincre par la force des arguments, Rajoelina devra s’habituer à imposer sa volonté par l’argument de la force. Les derniers mois ont pu montrer qu’il avait le soutien inconditionnel des forces de répression et du système judiciaire, qui ont renié leur éthique derrière le paravent de vagues motifs juridiques.
S’il a y une leçon que l’Histoire a laissée à Madagascar, c’est que les deuxièmes mandats sont propices à l’exacerbation au sein du pouvoir exécutif d’un sentiment de toute puissance et d’un orgueil souvent mal placé. De Tsiranana à Ravalomanana, il en est résulté une montée des tentations prévaricatrices et une dégradation sensible de la gouvernance entre les premiers et les deuxièmes mandats.
On est donc en droit de s’attendre à la répétition de ce scénario, alors que l’arrestation de lanceurs d’alerte ou de leaders syndicaux constitue un exemple des pratiques déjà devenues fréquentes pour faire taire les empêcheurs de gouverner de travers.
Mais, s’il y a une autre leçon que l’Histoire a laissée à Madagascar et ailleurs, c’est que la violence pour s’accrocher au pouvoir a une date de péremption. Par conséquent, on peut se demander jusqu’à quelle limite ce système basé sur la force pourra-t-il tenir ?