Nous reproduisons l’article de nos confrères Ndimby A. et Patrick A. du journal en ligne Madagascar tribune. La conclusion de cet article nous semblait être un meilleur titre.
La ministre de la Justice a demandé aux magistrats de recourir désormais au placement sous contrôle judiciaire ou à la liberté provisoire, plutôt qu’à la détention préventive. Actuellement pour 100 prisonniers à Antanimora, 60 sont en détention préventive bien loin des normes internationales.
Et il faut bien trouver de la place pour les futurs détenus préventifs , conséquence de la politique d’intimidation privilégiée par le pouvoir actuel. Puis, il y a encore de la place à la nouvelle prison d’Imerintsiatosika, un des premiers bâtiments prêts en priorité pour Tanamasoandro II, inauguré en grandes pompes en septembre 2021 par Cédric Vazaha.
« Dernière chance pour un mandat enfin digne »
Le citoyen français Andry Rajoelina va aujourd’hui être pour la troisième fois investi chef d’État de Madagascar. La première investiture avait suivi le coup d’État de 2009. Après une mise à l’écart pendant cinq ans, il fut ensuite démocratiquement élu en 2018, puis dernièrement réélu dans un scrutin qu’il serait impossible de qualifier de démocratique, car ni libre ni équitable. Pour faire passer la pilule de son coup d’État de 2009, Andry Rajoelina avait affirmé vouloir rétablir la démocratie, mettre fin à la dictature, et placer Madagascar sur les rails du développement et de la bonne gouvernance. Sur tous ces points, le bilan jusqu’ici est de l’ordre du tragi-comique. Le mandat qui sera inauguré aujourd’hui sera donc celui de la dernière chance pour redorer son blason.
La lucidité voudrait que l’expérience des premiers passages au pouvoir préfigure ce que sera le nouveau. La confiance à placer dans les valeurs démocratiques, morales, éthiques et patriotiques d’un homme ayant dans le passé commis un coup d’État par la force, et ne s’étant pas embarrassé de scrupules pour bétonner sa réélection actuelle, ne peut être que très limitée. La Transition 2009-2013, puis le mandat 2019-2023, regorgent d’exemples flagrants de violations des règles constitutionnelles, d’actes de corruption, de mensonges éhontés, de décisions irrationnelles et de déclarations intempestives qui autorisent un questionnement sur la volonté et la capacité du personnage à assumer dans la dignité les fonctions de chef d’État.
L’échec d’Andry Rajoelina à endosser le costume d’un chef d’État digne est le résultat d’au moins trois facteurs interdépendants : un passé dans les métiers de la communication qui a exacerbé un goût pour le spectaculaire et le superficiel, une tendance à la mégalomanie personnelle et son choix de s’entourer de courtisans qui lui disent ce qu’il veut et non ce qu’il doit entendre. Les longues queues depuis cette nuit pour assister à la cérémonie d’investiture de ce matin s’expliquent au moins autant par les appâts, comme une tombola, que par une véritable affection pour la vedette du jour. Peu importe le vin pourvu qu’on ait l’ivresse du stade rempli.
Tourner l’ego vers le bien du pays ?
Dans certaines de ses interviews de promotion de son dernier livre, le Président Obama avait avoué que toute personne qui cherche le pouvoir est mue par l’ego, mais qu’une fois celui-ci obtenu, la nécessité d’agir pour le bien du pays prenait le dessus. Le poids prépondérant de l’ego dans la conquête du pouvoir est évident chez Andry Rajoelina. Il lui reste cependant une possibilité d’assurer la deuxième partie du constat du Président Obama pour chercher à démontrer qu’il est capable d’agir véritablement pour le bien du pays, au-delà des maquettes, des effets d’annonce et des slogans creux, et laisser une trace honorable dans la mémoire collective.
En principe, ce sera son dernier mandat, du moins si les règles constitutionnelles sont suivies, ce qui pourrait lui laisser un horizon dégagé pour penser à l’héritage qu’il laissera sur le long terme au lieu d’être obnubilé par le besoin de se faire réélire. Toutefois l’expérience montre aussi qu’en Afrique, les limites du nombre de mandats ne résistent guère à un désir effréné de pouvoir, surtout lorsque l’on peut compter sur la loyauté d’une Justice et d’une Administration accommodantes et la servilité de forces de l’ordre. Un changement de Constitution pour s’adapter aux volontés et aux intérêts du dirigeant n’est pas une pratique rare, y compris à Madagascar. Il faudra donc attendre avec curiosité et une pointe d’amusement si Andry Rajoelina résistera ou non à cette tentation.
Confiance à bâtir
Apaisement politique et démocratie, bonne gouvernance et développement : tels sont donc les grands chantiers qui attendent Andry Rajoelina et sur lesquels la tenue de ses engagements de 2009 et 2018 reste entièrement à faire. Un exemple parmi d’innombrables possibles : l’avant-dernière place (124ème sur 125 pays) occupée par Madagascar dans le rapport sur l’indice mondial de la faim 2023 est une incongruité dans un pays dirigé par quelqu’un pourtant très fier de son titre de « champion » de la lutte contre la malnutrition.
En transversal, il devra s’attacher à restaurer la confiance envers l’État et l’État de Droit, et rétablir sa légitimité mise à mal par une réélection dans des conditions déplorables. Il lui reste à démontrer que tout ceci figure dans ses priorités, car jusqu’à preuve du contraire, au vu de l’arrogance et du mépris des Lois des derniers mois, ce sont plutôt les dérives dictatoriales qui sont à prévoir.
La preuve la plus tangible d’un éventuel changement d’attitude serait un assainissement en profondeur de son entourage. D’ailleurs, la réélection de 2023 démontre la puissance et la détermination des groupes d’intérêts politico-financiers derrière lui. L’on attendra donc aussi avec curiosité et une pointe d’amusement si Andry Rajoelina aura le courage et les moyens de prendre ses distances.
Après une élection biaisée, ignorée par la majorité du corps électoral (donc sans grande légitimité), et dont le caractère inéquitable a été protégé par le préfet de police de la capitale et ses forces de répression, Andry Rajoelina est mal élu, mais élu quand même. Cela n’a pas empêché les résultats d’être validés par la Justice et adoubés par la communauté internationale. Ceux qui ne sont pas contents ont le droit de se taire. Au pays du mora mora, après les trano mora, les tsena mora, les vary mora, Antanimora n’est jamais très loin pour les récalcitrants ».
https://www.madagascar-tribune.com/Derniere-chance-pour-un-mandat-enfin-digne.html
Cédric Vazaha illégitime devra composer avec ses opposants et la société civile
Plus de 74% des électeurs n’ont pas voté pour Cédric Vazaha. Emmanuel Macron en est bien conscient actuellement, surtout après le revers que lui ont infligé les députés en votant une motion de rejet contre sa loi sur l’immigration.
C’est pour cette raison qu’il lui a demandé par écrit de « dépasser les divisions apparues lors de la campagne présidentielle, et d’esquisser un geste de rassemblement et d’ouverture« .
Peut-être Cédric Vazaha aimerait bien le faire, mais son entourage à qui il pense tout devoir, notamment sa réélection, ne le lui permettra jamais. A commencer par PB le Président Bis Mamy Ravatomanga, qui aimerait récolter rapidement les bénéfices de son investissement.
En tout cas, après son entrevue à Iavoloha avec Baomba Korotamby, Cédric Vazaha avait déclaré « Il est clair que les ministres qui ont bien travaillé vont être reconduits à leur poste et ceux qui le sont moins seront mis à l’écart… Il y aura des permutations de postes et aussi de nouvelles têtes« .
Avoir gardé PM Ntsay Mike Tyson pendant 5 ans après que ce dernier l’ait aidé à se mettre en selle, montre ce qu’il entend par « avoir bien travaillé ». Comme nouvelle tête, faudra-t-il nous attendre à voir Naivo Kely succéder à son frère Pierre Houlder en tant que ministre chargé du foncier ?
Espérons qu’il ne sera pas trop tard quand ils se rendront compte que ce conseil (cet ordre) de Macron est la seule voie lui permettant d’aller jusqu’au bout de son mandat.