« Sonagaly mahazo baiko » (Un Sénégalais reçoit des ordres et l’exécute sans réfléchir), en référence aux tirailleurs sénégalais utilisés par les Français pendant les expéditions coloniales de 1895/1905, ou comme éléments de répression en 1947 https://www.rfi.fr/fr/afrique/20100723-madagascar-tirailleurs-senegalais-leurs-enfants .
Pourtant le 20 janvier 2024, le Conseil Constitutionnel du Sénégal a donné une leçon de droit à la HCC en invalidant la candidature aux présidentielles de Karim Wade. Même si ce dernier, né de mère française et Français de naissance, avait demandé de perdre cette nationalité française. Karim Wade avait pourtant officiellement perdu cette nationalité le 17 janvier 2024.
Un candidat binational écarté et un autre validé
Le Conseil Constitutionnel sénégalais avait validé la candidature de 20 candidats et avait exclu des dizaines de prétendants, dont deux ténors de l’opposition Ousmane Sonko et Karim Wade.
Ce Conseil Constitutionnel a en revanche validé la candidature de Rose Wardini qui a deux nationalités (Au 1er février 2024, elle figurait toujours sur la liste consulaire de Dakar au titre des électeurs français de l’étranger). Mais tout comme à Madagascar, les décisions du Conseil Constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours. Rose Wardini restait donc candidate aux présidentielles prévues se tenir le 25 février 2024.
Ce qui jette un doute sérieux sur le travail des juges et a amené à la mise en place d’une enquête parlementaire sur les conditions de validation des candidatures.
2 juges constitutionnels sont soupçonnés de corruption, et le ministre secrétaire général du gouvernement Abdou Latif Coulibaly, frère d’un de ces deux juges, vient de déposer sa démission.
Coup d’Etat Institutionnel
C’est dans ce contexte politique que le président Macky Salla vient de prendre un décret annulant la tenue des élections du 25 février 2024, les repoussant sine die. Il annonce « un dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive dans un Sénégal apaisé et réconcilié« .
Selon le code électoral sénégalais, un décret fixant une nouvelle date des élections devra être prise au plis tard 80 jours avant le scrutin, ce qui mènerait au plus tôt à fin avril 2024. Cela prolongera donc de fait le mandat actuel de Macky Salla qui se termine le 2 avril 2024, et a amené l’opposition à rejeter cette décision en le qualifiant de « Régression démocratique et de coup d’Etat Institutionnel ».
Le Collectif des 20 candidats
Les 20 candidats se sont réunis dans un collectif, à l’instar du C11, pour « se rassembler dimanche 4 février à 15h et démarrer la campagne électorale de façon collective. Toutes les forces vives de la Nation doivent se lever, s’organiser, agir et obtenir la restauration du calendrier républicain, afin de défendre les acquis démocratiques« .
Ci-après le discours du président Macky Sall :
« Mes chers compatriotes,
Alors que s’annonce l’élection présidentielle du 25 février 2024, notre pays est confronté, depuis quelques jours, à un différend entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, en conflit ouvert sur fond d’une supposée affaire de corruption de juges.
Ainsi, l’Assemblée, se fondant sur ses prérogatives, a décidé, par Résolution en date du 31 janvier 2024, de mettre en place une Commission d’enquête parlementaire pour éclairer sur le processus de vérification des candidatures et sur tout autre fait se rapportant à l’élection.
Dans son communiqué du 29 janvier 2024 signé par tous ses membres, le Conseil constitutionnel a réfuté les allégations portées contre lui, tout en prenant la mesure de la gravité des accusations, et en tenant à ce que toute la lumière soit faite dans le respect des procédures constitutionnelles et légales régissant les relations entre les institutions, notamment la séparation des pouvoirs et le statut de ses membres.
A cette situation suffisamment grave et confuse, est venue s’ajouter la polémique sur une candidate dont la bi-nationalité a été découverte après la publication de la liste définitive des candidats par le Conseil constitutionnel ; ce qui constitue une violation de l’article 28 de la Constitution qui dispose que « tout candidat à la Présidence de la République doit être exclusivement de nationalité sénégalaise ».
Ces conditions troubles pourraient gravement nuire à la crédibilité du scrutin en installant les germes d’un contentieux pré et postélectoral.
Alors qu’il porte encore les stigmates des violentes manifestations de mars 2021 et de juin 2023, notre pays ne peut pas se permettre une nouvelle crise.
J’ajoute qu’en ma qualité de Président de la République, garant du fonctionnement régulier des Institutions, et respectueux de la séparation des pouvoirs, je ne saurais intervenir dans le conflit opposant le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire.
Devant cette situation, l’Assemblée nationale, agissant en vertu de ses prérogatives, m’a saisi, pour avis, conformément à son règlement intérieur, d’une proposition de loi constitutionnelle en procédure d’urgence portant dérogation aux dispositions de l’article 31 de la Constitution.
J’ai pris acte de cette saisine après avoir consulté le Président de l’Assemblée nationale, le Premier ministre, le Président du Haut Conseil des collectivités territoriales, le Président du Conseil économique, social et environnemental et le Président du Conseil constitutionnel.
En conséquence, compte tenu des délibérations en cours à l’Assemblée nationale réunie en procédure d’urgence, et sans préjuger du vote des députés, j’ai signé le décret n° 2024-106 du 3 février 2024 abrogeant le décret n° 2023-2283 du 29 novembre 2023 portant convocation du corps électoral.
Pour ma part, mon engagement solennel à ne pas me présenter à l’élection présidentielle reste inchangé.
Enfin, j’engagerai un dialogue national ouvert, afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive dans un Sénégal apaisé et réconcilié. Vive le Sénégal ! Vive la République ! ».
En fait, c’est le résultat d’une guerre de clans autour de Macky Sall, de nombreux poids lourds de son entourage mettant en doute le choix du PM Amadou Ba, qui aurait peu de chances de gagner ces élections. Malgré l’aide du cabinet de communication Concerto (ce cabinet français qui avait travaillé avec Cédric Vazaha lors des présidentielles de 2018).
La Communauté internationale
Comme d’habitude, la fameuse Communauté internationale a immédiatement poussé des cris d’orfraie, de Paris à Washington en passant par l’Union Européenne et la CEDEAO. Avec les phrases classiques du genre « Nous exhortons toutes les parties à s’engager pacifiquement dans l’effort visant à fixer une nouvelle date et les conditions d’une élection libre et équitable, dans le meilleur délai possible et dans le respect des règles de la démocratie sénégalaise ».
En revanche, silence et bouche cousue de l’Union Africaine. Gageons qu’il n’y aura aucune sanction de ce donneur de leçon qu’est cette Communauté Internationale, dont l’objectif prioritaire est d’abord de défendre ses propres intérêts.
Espérons que l’opposition malagasy a retenu la leçon et qu’elle ne comptera plus sur l’aide de cette Communauté internationale pour espérer régler nos affaires. Avec l’aide d’une liste électorale truffée de doublons et de triplons, d’une CENI et d’une HCC aveuglément obéissantes, les nombreux détournements de voix et bourrages d’urnes, la politique de la chaise vide n’a fait que faciliter l’élection de Cédric Vazaha au 1er tour. Cette opposition a-t-elle enfin ouvert les yeux et participera-t-elle cette fois aux élections locales et régionales, ne serait-ce que pour limiter les dégâts et ne pas laisser les mains libres à Cédric Vazaha. Les partisans de ce dernier commencent à paniquer, en particulier pour le poste très stratégique de 1er magistrat de la capitale. Il a fallu exfiltrer Naina Varira et changer la Loi pour pouvoir mettre à sa place un PDS qui, ils l’espèrent, fera meilleure figure que l’ex-titulaire.
D’où les nombreux efforts demandés au ministre de l’eau, au gouverneur d’Analamanga, et à tout ce qui peut donner un coup de main pour l’enlèvement des montagnes d’ordures ménagères, un risque très sérieux pour la santé publique d’autant plus que le choléra approche dangereusement le pays.
Ce n’est plus le Cnaps qu’on dévalise, c’est maintenant le Trésor public. Malheureusement, cette opération coup de poing ne sera que feu de paille comme l’indique son nom. Il y en a déjà eu dans le passé, la dernière ayant eu lieu juste avant les Jeux des îles. Elle cessera dès la fin des élections, et rebelote ! Les Antananariviens reverront leurs tas d’immondices, et les passagers du futur téléphérique les contempleront de haut !