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Le Journal de l'île Rouge
Politique

Jugement d’un acte de corruption : « Ce qui nous gêne dans l’affaire Romy… »Madagascar – Tribune.com, mardi 13 Février 2024

La gazette de la grande île
16/02/20244 minute read

Ce qui nous gêne dans l’affaire Romy…

mardi 13 février | Ndimby A., Patrick A. 

Les regards se tournent actuellement vers Londres où se déroule le procès de Romy Voos Andrianarisoa, ancienne directrice de cabinet du Président de la République Andry Rajoelina. Celle-ci a été arrêtée à Londres le 10 août dernier, dans le cadre d’une procédure de flagrant délit, suite à des accusations de corruption portées par la multinationale britannique Gemfields qui avaient amené la police à mettre en place des écoutes et à faire passer un de ses agents pour intermédiaire.

Pour la Grande Bretagne, l’affaire est innovante car c’est la première fois que la National Crime Agency (NCA) utilise une loi britannique, votée en 2010, qui facilite les poursuites judiciaires pour corruption passive. Pour Madagascar, l’affaire Romy n’est juste qu’un scandale de plus dans ce que nous avons vu depuis des années concernant les hiérarques au pouvoir. Depuis le coup d’État de 2009, ceux-ci ont eu maintes occasions de démontrer le peu d’importance qu’ils accordent à la démocratie, à l’État de droit et au respect des valeurs morales et éthiques. Par conséquent, l’affaire Romy ne nous étonne pas plus que ça.

Par contre, ce qui nous gêne vraiment dans l’affaire Romy, c’est de se demander ceci : pour cette affaire précise qui éclate au grand jour, combien d’autres du genre sont passées entre les gouttes ? Pour une “Romy” attrapée, combien d’autres personnes utilisent leur proximité ou leur présence avec le pouvoir pour en abuser, mais échappent en toute impunité à la Justice ?

Ce qui nous gêne aussi vraiment dans l’affaire Romy, c’est que cette affaire n’aurait jamais pu éclater à Madagascar. Il a fallu que les faits se passent dans l’État de Droit qu’est le Royaume-Uni, où la Justice n’est pas influençable par l’Exécutif sur un simple coup de fil. Aucune entreprise victime de racket à Madagascar n’aurait osé porter plainte, surtout si quelqu’un de la Présidence de la République est impliqué. Quand on sait ce qui arrive à ceux qui prennent des photos de talon de bagage présidentiel, ou qui montrent un pouce renversé au passage du cortège présidentiel, bien présomptueux qui irait traîner devant un tribunal un membre de l’entourage présidentiel.

Par ailleurs, ce qui nous gêne vraiment dans l’affaire Romy, c’est qu’à travers le cas Philippe Tabuteau, on a la confirmation de la présence de certains vazaha louches dans les cercles du pouvoir, payés pour servir de sherpas dans certains domaines, mais qui se révèlent n’être que des affairistes douteux, voire des suppôts de la françafrique. Dans les coulisses d’un pouvoir toujours aussi friand de maquettes qui brillent de mille feux, ces rabatteurs d’affaires se multiplient et rivalisent entre eux, sans qu’aucun débat sur l’intérêt économique des projets qu’ils présentent ou leurs impacts environnementaux et sociaux puisse avoir lieu publiquement.

Finalement, le fait que Romy mette Madagascar à la Une internationale de façon négative ne nous gêne pas plus que cela. On serait même tenté d’avoir une certaine reconnaissance pour Gemfields qui a fait éclater au grand jour certaines pratiques qui se déroulent trop souvent sous un couvercle hermétique et opaque, jalousement protégé par les chefs des forces de répression, certains juges à la solde du pouvoir, ainsi que les zélés mais peu démocratiques services de lutte contre la pseudo-cybercriminalité.

En dehors de ses éventuels complices, voire commanditaires, il n’y a donc aucune raison de verser une larme pour Romy Voos Andrianarisoa au nom d’un corporatisme national dont la patrie commune serait le prétexte. Ce qui lui arrive ne concerne pas Madagascar, mais elle et son clan. Hélas pour elle, vae victis, malheur aux vaincus. Seuls ceux qui réussissent leur mission sans faire de vagues obtiennent le soutien visible de la famiglia.

(fin)
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