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Le Journal de l'île Rouge
La une

Rajoelina Vazaha Menasofina à la croisée des chemins

La gazette de la grande île
03/06/202410 minute read

« Kihon-dalana » qu’on peut traduire par croisée des chemins. Rajoelina Vazaha Menasofina y est, et la situation socio-politique ne lui laisse pas le choix de faire du sur-place.
S’il n’a pas la tête dans le guidon, il doit bouger sur son vélo pour ne pas perdre l’équilibre au risque de tomber.
Le DJ qu’il est resté, doit se rappeler la chanson de Gilbert Bécaud « Et maintenant, que vais-je faire ? De tout ce temps que sera ma vie. De tous ces gens qui m’indiffèrent…Je n’ai vraiment plus rien ».

Quelles leçons tirer de ces élections ?

Qu’il le veuille ou non, quelques tentatives désespérées de se voiler la face par diverses manipulations, le grand perdant de ces législatives c’est Rajoelina Vazaha Menasofina. Il est minoritaire dans le pays, si l’on s’en tient aux voix recueillies par les candidats IRMAR.
Malgré sa tentative désespérée de venir à leur secours, en violant l’esprit des lois par ses « descentes sur terrain », ses « remises » d’infrastructures, ses nouvelles promesses. Et plus rien n’y changera.
Mis à part Fianarantsoa, ses candidats ont mordu la poussière dans tous les autres chefs-lieux de province !

 Il s’est auto-condamné à l’isolement, à force de s’être entouré d’amazones naïves et inexpérimentées comme la Ministres des affaires étrangères ou sa directrice de cabinet, de vieux routiers has been comme le général Korotamby ou Kaleta dit Lairaiky, de néo-businessmen comme Mamy Ravatomanga alias PB ou Sylvain Rabetsaroana, ou de faux communicants comme Lalatiana alias Mamasosy.
Et il doit prendre des décisions : Reculer ? Avancer ? Virer à gauche ? Virer à droite ?

    Quelles marges de manœuvre ?

« L’argent est le nerf de la guerre », et c’est tout aussi vrai pour le gouvernement. Le budget limite les actions du gouvernement, et la prochaine LFR (Loi des Finances Rectificatives) décidée par le dernier conseil des ministres du 22 mai 2024 nous montre un sombre avenir : des coupes budgétaires qui se monteront au minimum à 1 036 milliards ariary, destinées aux subventions à la Jirama. Et cette LFR va devoir passer au parlement avec les députés actuels, dont le mandat n’est pas encore terminé.
De surcroît, une assemblée nationale dont le président par intérim Jean Jacques Rabenirina fait partie de l’opposition.
Malgré un rappel de son immunité parlementaire, la députée Masy Goulamaly a été emmenée « pour enquêtes », manu militari par les forces de l’ordre. Ces dernières s’en sont excusé, et ont juste dit qu’elles ne font qu’exécuter les ordres. Cette députée porte bien ses prénoms « Marie Jeanne d’Arc » et elle a mis sur son site facebook le verset de la Bible Psaumes 34 :17 « Quand les justes crient, l’Eternel entend, et il les délivre de toutes leurs détresses ».

Sans l’appui budgétaire de 100 millions de dollars de la Banque Mondiale, et le financement du FMI à travers la nouvelle FEC, le gouvernement aura du mal à boucler ses fins de mois. Hélas pour Rajoelina Vazaha, le déboursement de ces deux aides est soumis à conditionnalités, dont l’adoption de la LFR et l’ajustement des prix à la pompe.
D’autant plus que l’Union Européenne, un important bailleur de fonds, vient de marquer le coup après la grosse bourde diplomatique de demande de rappel de leur ambassadrice.  En tout cas selon un article d‘Africa Intelligence , deux contrats de coopération de 70 millions d’euros sont gelés, et leur signature reportée sine die https://www.africaintelligence.fr/afrique-australe-et-iles/2024/06/03/apres-le-renvoi-de-son-ambassadrice-l-ue-gele-plusieurs-programmes%2C110243041-art?cxt=PUB&utm_source=AIF&utm_medium=email&utm_campaign=AUTO_EDIT_SOM_PROS&did=109681188 .
Pour manifester sa « mauvaise humeur », Bruxelles avait déjà demandé à sa délégation malagasy d’annuler les festivités de la Journée de l’Europe.

Que faire ?

Nous reproduisons ci-dessous un excellent article de nos confrères Ndimby et Patrick sur le journal en ligne Madagascar Tribune, que nous laissons à votre appréciation.
Gardez juste en tête que l’ajustement des prix à la pompe des carburants, avec ses répercussions inéluctables sur tous les prix et l’inflation, est imminent. Serait-ce la goutte de trop évoquée par cet article ? 

 Législatives : le dérapage de trop ?

lundi 3 juin Ndimby A., Patrick A.

Les tentatives grossières de manipulation lors des récentes législatives risquent d’être la goutte d’eau qui va faire déborder le vase des frustrations de la population. Enhardi par sa victoire sans péril et son triomphe sans gloire à la présidentielle de 2023, le clan Rajoelina ne s’est plus caché pour tenter d’orienter le processus électoral en sa faveur lors des élections de députés. Ce fut une grossière erreur pour trois raisons. Un, les opposants ont appris la leçon et se sont préparés à mieux documenter les manœuvres sournoises. Deux, la frustration extrême causée par le honteux processus de la présidentielle a décuplé la volonté de prendre une revanche. Trois, comme on l’a déjà écrit, les législatives sont des élections de proximité : les électeurs sont plus à même de percevoir les écarts entre les déclarations des candidats et leurs agissements, vont être extrêmement vigilants quant aux suites données à leur vote, et seront certainement plus motivés à défendre celui-ci que lors de la présidentielle. 

Outre l’irritation légitime causée par les manœuvres et la répression qui ont empêché un scrutin transparent aux résultats fiables, le contexte dans lequel les élections se sont déroulées ne peut que nourrir la colère. Insécurité, délestages d’eau et d’électricité, état des routes se sont ajoutés aux arrestations arbitraires et autres actes de malfaisance politique : autant de motivations pour une bonne partie des électeurs à considérer leur vote aux législatives comme un moyen démocratique et républicain de changer les choses. Malheureusement, Andry Rajoelina et ses fidèles de la première heure ne l’entendent pas de cette oreille. Chez eux, la logique issue de la réussite du coup d’État de 2009 continue de prévaloir : le succès nécessite juste une bonne dose d’aplomb, de force et d’avantages matériels pour les corps en uniformes.

À court terme, l’utilisation de cette recette pourrait colmater les brèches et permettre au pouvoir de maintenir son hégémonie, y compris à travers certains députés traînant ostensiblement de sérieuses casseroles. Mais l’impact de la méthode sur la suite du mandat présidentiel et, à plus long terme, sur la considération accordée à l’ensemble des institutions du pays par la population et toutes les autres parties prenantes, ne pourrait être que désastreux.

Après l’habituelle indigestion de soupe de couleuvres servie par une Commission électorale nationale indépendante (CENI), toujours autosatisfaite malgré les défaillances constatées, d’ici deux semaines les regards vont se tourner vers la Haute cour constitutionnelle (HCC), qui sera amenée à juger les litiges. Malheureusement pour elle, son passé récent ne plaide déjà pas en faveur de sa crédibilité et de son impartialité. Ses décisions seront donc scrutées à la loupe, et la moindre erreur de sa part pourrait mettre le feu aux poudres. Mais comment pourrait-elle ne pas faire d’erreur alors qu’elle se trouve entre l’enclume de la pression de l’Exécutif et le marteau des preuves de malversations qui s’accumulent ? À force d’abuser de sa formule consacrée “azo raisina fa tsy mitombona”, elle a depuis longtemps perdu la confiance des citoyens. Son président s’est aussi singularisé en prétendant que les jugements émis par la HCC ne sont pas sujets à commentaires. Curieuse déclaration de la part d’un juriste quand le commentaire d’arrêts de toute les juridictions existantes est une activité de base des études de Droit.

Improbable sursaut de la HCC

La HCC saura-t-elle se rattraper pour éteindre le feu post-législatives ? Le doute est permis, à la fois à cause des pratiques habituelles de servilité de la HCC envers Iavoloha, mais aussi du fait d’anecdotes qui autorisent le questionnement sur la probité personnelle de certains juges à partir d’anecdotes connues. On se souvient d’un acte de braconnage, ou encore un curieux et soudain limogeage d’un ministre pour des raisons obscures, mais qui avait entraîné un communiqué de presse des natifs de sa région pour le défendre, avec des termes maladroits qui avaient mis la puce à l’oreille du public.

Madagascar se trouve donc à la croisée des chemins. La tension politique va monter vers des niveaux dangereux, et une gestion arrogante par la répression, l’intimidation et le juridisme ne pourrait que rajouter de l’huile sur le feu. L’incendie du bureau local de la CENI à Tsihombe doit être un signal d’alarme à prendre au sérieux, dans un contexte où le fitsarambahoaka contre les biens et les personnes est malheureusement devenu un mode d’expression : la faute au manque de crédibilité du système judiciaire à cause de ses propres turpitudes. Quand la Loi, la morale, le Fihavanana, la peur du tsiny et du tody, la Communauté internationale ou même le bon sens ne servent plus de garde-fous face à l’inflation du nombre de ces derniers dans tous les domaines, à tous les étages de la société et dans toutes les régions, que reste-t-il aux citoyens ?

À Madagascar comme dans d’autres pays, plus d’un dirigeant qui s’est cru pouvoir être invulnérable et impuni dans ses dérapages autocratiques a appris la leçon de façon amère. Demandez à Ratsiraka, Ravalomanana, Tsiranana, mais aussi à Moubarak ou Ben Ali. Pour Kadhafi, Ceaucescu, Saddam Hussain ou Nguema, ils n’ont malheureusement – uniquement pour eux – pas eu l’occasion de faire part de leur retour d’expérience, mais même réduits au silence, leur exemple reste parlant. 

Aveuglé par sa mégalomanie narcissique mais prisonnier de son entourage, Andry Rajoelina s’enferme de plus en plus dans une cloche qui le coupe des réalités, et qui le fait vivre dans des illusions alimentées par ses courtisans qui lui disent ce qu’il aime entendre. Difficile pour lui d’être lucide dans ces conditions, d’autant plus que sa propension au populisme et au werawera ne l’a pas préparé à être raisonnable. Certains médias ont mis en lumière il y a quelques jours que le chef de l’État vient de fêter son cinquantième anniversaire. On espère pour le peuple malgache que cet âge pourra enfin lui octroyer la sagesse et la maturité nécessaires à un minimum de dignité de la fonction

 

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