La politique à Madagascar est marquée par un enchevêtrement complexe de pouvoir, de manipulation et d’impuissance institutionnelle. Au fil des années, le rôle central du Premier Ministre dans la gestion des affaires publiques est devenu un sujet de débat. Alors que le Président brandit l’évaluation comme une épée de Damoclès au-dessus des nouveaux ministres, leur demandant des résultats quasi « miraculeux », il est intéressant de se poser la question : qui évalue réellement le Premier Ministre ?
Depuis plus de six ans, le Premier Ministre occupe la tête du gouvernement malgache. À ce poste, il a dirigé successivement des gouvernements qui ont échoué les uns après les autres. Pourtant, chaque fois qu’un ministre est nommé, ce dernier est soumis à une évaluation à court terme. S’il ne réussit pas à redresser son secteur, souvent détruit par ses prédécesseurs, il risque son poste. Cela donne l’impression que les ministres sont des cibles faciles, des boucs émissaires, blâmés pour des échecs structurels qui les dépassent. Mais qu’en est-il du Premier Ministre, ce dirigeant qui a survécu à plusieurs remaniements ministériels ?
Le rôle des députés dans l’évaluation
En théorie, l’évaluation du Premier Ministre devrait être une tâche confiée à l’Assemblée Nationale, organe représentant du peuple et gardien de la démocratie. Les députés, via la motion de censure, ont la possibilité de destituer un Premier Ministre jugé inefficace. Cependant, depuis 2019, trois motions de censure contre le Premier Ministre ont échoué. La raison ? Une intervention directe du Président et un jeu d’influence bien orchestré au sein de l’Assemblée. Aujourd’hui, la majorité des députés est perçue comme étant alignée sur les intérêts du régime en place, rendant toute tentative de censure improbable, voire impossible.
Cette mainmise sur le pouvoir législatif pose la question de la séparation des pouvoirs à Madagascar. Si les députés, censés agir dans l’intérêt de la population, sont en réalité sous le contrôle de l’exécutif, qui alors pourrions-nous espérer voir évaluer le Premier Ministre ? Les institutions censées jouer un rôle de contre-pouvoir sont neutralisées, et l’opinion publique est laissée à elle-même, souvent impuissante face à un tel verrouillage politique.
Le président et son Premier Ministre : un tandem indissociable ?
Le Premier Ministre et le Président ont formé un tandem où chacun protège les intérêts de l’autre. Le Président, tout en menaçant les ministres d’évaluations rigoureuses, n’a jamais entrepris d’évaluer ouvertement son Premier Ministre. Ce dernier, ayant survécu à plusieurs tentatives de destitution, jouit d’un statut particulier qui le rend quasiment intouchable. Cette complicité renforce l’idée que les véritables responsables des maux de Madagascar ne sont pas uniquement les ministres, mais bien ce duo exécutif qui tire les ficelles en coulisse.
Les vraies questions à se poser
À travers ces manigances politiques, il est évident que les problèmes de Madagascar ne peuvent être résolus uniquement par des remaniements ministériels ou des promesses de résultats à court terme. L’incapacité des institutions à jouer leur rôle de contre-pouvoir alimente un climat d’impunité et de désillusion au sein de la population. Le pays a besoin d’une réforme institutionnelle profonde où la transparence, l’imputabilité et la justice deviennent des principes fondamentaux du gouvernement.
L’évaluation du Premier Ministre, et plus généralement du gouvernement, ne devrait pas être un outil de manipulation pour maintenir une façade de performance. Elle devrait être un processus démocratique, rigoureux et transparent, permettant de tirer des leçons des échecs passés et de corriger le cap. Tant que les vraies questions ne seront pas posées – sur la responsabilité du Président et de son Premier Ministre – Madagascar restera prisonnière de ce cycle de bouc émissaire, sans espoir de véritable changement.
Ainsi, la question demeure : qui évalue le Premier Ministre ? La réponse semble être : personne. Et tant que les institutions ne retrouveront pas leur indépendance, cette situation continuera de peser sur l’avenir du pays.