Antananarivo – Depuis 2019, la région Analamanga a vu défiler des projets de réhabilitation routière à coups de milliards d’ariary. Derrière ces travaux sans fin, une entreprise revient systématiquement en tête des appels d’offre : Magic, une société officiellement dirigée par Tojo Ranaivo, mais dont les coulisses affirment une co-gestion officieuse avec Hery Rasoamaromaka, actuel gouverneur de la région et qui en est même l’actionnaire majoritaire.
À chaque fois, c’est le même scénario : une portion de route est réparée, trois mois plus tard elle se dégrade, et une nouvelle réhabilitation est lancée… encore remportée par Magic. Une boucle sans fin, ou plutôt un système bien huilé qui n’a qu’un seul objectif : soutirer l’argent public sous couvert d’utilité publique.
Des milliards qui tombent à pic… à chaque appel d’offre
Officiellement, il s’agit de travaux de réfection de zones dites « rouges », c’est-à-dire des portions stratégiques nécessitant une attention prioritaire. En réalité, ces zones deviennent des mines d’or pour Magic, car les routes mal construites se transforment très vite en chantier à renouveler. Une malfaçon bien pensée ? La répétitivité du cycle soulève sérieusement une question.
Pourquoi toujours Magic ? Pourquoi aucune autre entreprise n’obtient ces marchés ? Les réponses ne se trouvent pas dans la qualité des travaux, mais dans les coulisses opaques des marchés publics. Le lien présumé entre Tojo Ranaivo et le gouverneur Rasoamaromaka donne un avant-goût des dessous politiques d’un système verrouillé.
Tojo Ranaivo, l’humilité version Lamborghini
Tojo Ranaivo ne se cache pas. Il s’affiche fièrement sur les réseaux sociaux, se proclamant multimilliardaire, posant devant ce qui serait la première Lamborghini importée à Madagascar. À chaque vidéo, il jongle entre démonstration ostentatoire de richesse et discours sur « l’humilité ».
Car selon Tojo, être humble, c’est manger du mofo gasy.
Une déclaration qui a fait grincer des dents : depuis quand consommer une spécialité locale serait un signe d’humilité ? Associer le mofo gasy — patrimoine culinaire malgache — à un acte d’humilité revient à rabaisser la culture populaire, comme si elle appartenait au monde des « petits » que l’on fréquente par bonté d’âme. Cette posture révèle une arrogance déguisée en fausse modestie, une mise en scène soigneusement orchestrée pour masquer la réalité de ses affaires.
Un business construit sur l’échec programmé
Les routes qui s’effondrent, ce ne sont pas que des trous dans l’asphalte, ce sont aussi des gouffres financiers, des obstacles à la mobilité, et des preuves concrètes d’un détournement organisé. Chaque chantier raté, chaque appel d’offre relancé, chaque paiement public effectué, contribue à gonfler la fortune de Magic, et donc celle de Tojo.
Et pendant que le peuple roule sur des routes défoncées, Tojo roule en bolide italien.
À quand la fin du cercle vicieux ? Pour l’instant, la seule route bien tracée, c’est celle qui mène l’argent public directement dans les poches de quelques privilégiés.