Dans l’ombre parfumée d’un Antananarivo travesti en Versailles d’outre-mer, la République malgache fut, une fois encore, lustrée, maquillée et sacrifiée sur l’autel de la soumission géopolitique. Sous les regards éteints d’une presse domestiquée et d’un peuple exsangue, Emmanuel Macron — roi sans empire, mais maître de vassaux — foulait le sol de l’île Rouge avec l’arrogance d’un conquérant en inspection.
Les rues, jonchées de portraits de l’auguste visiteur, offraient un spectacle digne des caricatures impériales du XIXe siècle. Point d’honneur pour les hôtes africains du sommet de la COI, point de mention dans la presse malgache à Azali Assoumani, pourtant seul à oser briser l’omerta coloniale. Tout n’était que Macron : Macron en banderoles, Macron en drapeaux, Macron en promesses vides.
Et face à lui, un satrape créole à passeport hexagonal : Andry Nirina Rajoelina, dont l’obséquiosité dégoulinante aurait fait rougir les chambellans les plus serviles de l’empire ottoman. Celui-là même, qui n’a pipé mot sur la question stratégique des îles Éparses — ces perles de souveraineté toujours captives d’un empire qui se prétend ami —, s’est contenté de sourire béatement lorsque Macron, dans un mépris abyssal, déclara que la pauvreté malgache méritait débat, mais non les questions territoriales.
Quelle insulte ! Quelle gifle !
Et Rajoelina, comme un animal domestiqué, hocha la tête avec gratitude, tel un laquais que l’on vient flatter de quelques miettes de souveraineté. Son silence vaut trahison, et son sourire vaut allégeance.
Car pendant ce temps, à l’autre bout du sommet, un homme osa : Azali Assoumani, président de l’Union des Comores, rappela haut et fort — conformément à la résolution 31/4 des Nations Unies de 1976 — que Mayotte n’est pas française, mais comorienne, séparée illégalement de l’archipel en violation du droit international. Il n’eut pas droit aux caméras, ni aux bouquets de fleurs, ni aux clichés avec le président de la Cinquième République. Les voix dignes ne font pas de bons hashtags pour les puissances coloniales.
Mais qu’est-ce que la France aujourd’hui, sinon un État terroriste en col blanc, drapé de principes creux, mais toujours prompt à voler les terres, exploiter les ressources et réduire au silence ceux qui résistent ? Elle a colonisé par les baïonnettes, elle recolonise par les traités. Elle se présente en médiatrice alors qu’elle est l’instigatrice du désordre. Elle parle de démocratie tout en soutenant les plus cyniques autocrates. Elle pleure les kwassa-kwassa chavirés, tout en finançant les barbelés maritimes autour de Mayotte.
Et dans cette mécanique d’avilissement, Rajoelina est un rouage bien huilé. Il ne gouverne pas, il obéit. Il ne représente pas, il sert. Il n’est pas président d’un peuple libre, mais gouverneur intérimaire d’un territoire administré en télécommande depuis l’Élysée. Son passeport français est son talisman et sa trahison, son carburant.
On croyait avoir touché le fond de la déchéance diplomatique. Mais non. Rajoelina creuse.
Il creuse avec son silence sur les îles Éparses. Il creuse avec son accueil royal pour un président étranger qui insulte ouvertement la souveraineté malgache. Il creuse avec sa posture d’hôte charmé, pendant que son pays s’enlise dans la misère, la dépendance et la perte de mémoire historique.
Mayotte est comorienne. Les îles Éparses sont malgaches. Et la France est l’occupante.
Qu’on le crie, qu’on l’écrive, qu’on le répète jusqu’à ce que les murs de l’ambassade tremblent.
Et qu’on n’oublie jamais le visage de ceux qui, pour un passeport ou un contrat de partenariat, ont vendu la mémoire de Sankara, l’honneur de Fanon, et la dignité de tout un peuple.
Tchad indépendant