Pendant que le peuple malgache bêche sa misère à la main nue, une caste de margoulins encravatés, aussi compétents pour l’agriculture qu’un poisson pour grimper aux arbres, s’est autoproclamée architecte de la souveraineté alimentaire. Armés de contrats douteux et d’accords de couloir, ils ont vendu les clés des champs à quelques boutiquiers de l’Empire du Milieu, avec la grâce de maquignons trop contents d’échanger leur honneur contre une poignée de yuans.
La société STOI, grande prêtresse de l’escroquerie sous vernis administratif, s’est ainsi vue ouvrir en grand les portes des marchés publics. Par quel miracle ? Par la bénédiction d’une Secrétaire d’État dont l’ancienneté chez STOI aurait dû, en démocratie, l’interdire à jamais d’approcher un dossier public. Mais ici, les conflits d’intérêts ne sont pas des scandales : ce sont des décorations.
Tandis que le petit peuple rêve d’auto-suffisance, les bureaucrates de la capitale, ces grands stratèges en agriculture imaginaire, roulent des mécaniques sur Facebook, signent des contrats dans l’ombre, et s’envolent vers Paris dès qu’une crise éclate, pour se consoler dans un salon feutré à coups de champagne, de petits fours, et de tweets patriotiques.
L’opération riz hybride ? Une farce grandiose. Les semences, vendues au prix de l’or, condamnent les agriculteurs à une dépendance éternelle, comme des serfs attachés à la glèbe numérique de leurs nouveaux seigneurs. Quant aux engrais importés, ils coûtent si cher qu’il serait plus économique pour un paysan d’acheter un billet pour la Lune que de fertiliser son champ.
Et que dire du gouvernement ? Une troupe de petits marquis trop occupés à compter leurs dessous de table pour voir que le sol qu’ils piétinent se dérobe. À force de piquer dans les caisses et d’ânonner des slogans sur l’autonomie alimentaire, ces génies du désastre ont réussi l’exploit de transformer un pays fertile en une vaste jachère de dépendance, d’appauvrissement et de trahison.
Madagascar n’avance plus : elle est tirée en arrière par une bande de fonctionnaires ventripotents qui confondent l’intérêt général avec l’intérêt génital. Pendant qu’on exhibe quelques rizières modèles à la télévision, la vraie récolte — celle des pots-de-vin et des commissions occultes — continue dans les salons lambrissés.
Que le peuple se rassure : dans ce carnaval de l’incompétence, la honte a été depuis longtemps vendue au plus offrant, et le cynisme érige ses palais sur les ruines fumantes de l’espoir populaire.
À ce rythme, bientôt, même les cafards de la capitale exigeront un visa pour continuer de vivre à Madagascar.
Tchad indépendant