Antananarivo – Ils pullulent dans les conférences de presse, tendent la main sans gêne, encaissent et disparaissent. Ils n’ont ni rédaction, ni ligne éditoriale, ni même de réels articles à publier. Pourtant, ils se réclament du journalisme. À Madagascar, ces faux journalistes ont un nom : les “Foza”. Et leur origine remonte à un moment bien précis : le coup d’État de 2009 orchestré par Andry Rajoelina.
2009 : quand Rajoelina fabrique ses propres journalistes
Avant de prendre le pouvoir par la force, Andry Rajoelina a d’abord cherché à contrôler le récit. Pour cela, il a mis en place une stratégie aussi cynique qu’efficace : créer de toutes pièces des “journalistes” à sa solde. Leur mission ? Répandre des rumeurs, fabriquer des versions favorables aux médias, et donner une illusion de couverture médiatique pour justifier ses actions. Ces personnes, souvent sans la moindre formation, n’étaient que des instruments de propagande bien rémunérés.
Ce coup de poker communicationnel a marqué un tournant : le mensonge médiatique organisé par le pouvoir est devenu une arme politique.
Les Foza, enfants illégitimes du putsch
Ces faux journalistes, grassement payés pour désinformer ou pour se taire, ont vite pris goût à ce système facile. Pourquoi se fatiguer à enquêter, rédiger ou vérifier des faits, quand il suffit de faire le tour des conférences de presse, ramasser son billet — qu’on appelle localement le “felaka” — puis disparaître sans laisser de trace ?
Le terme “Foza” — littéralement “crabe” en malgache — est vite apparu pour désigner ces imposteurs : des créatures qui rampent partout, s’infiltrent, prolifèrent et pincent au passage ce qu’ils peuvent. Et tout ça, grâce à une habitude de corruption médiatique née sous Rajoelina et institutionnalisée depuis.
Un système pourri jusqu’au sommet
Le plus choquant ? Certains Foza ont réussi à se faire délivrer des cartes officielles de presse. Lors du passage d’Emmanuel Macron à Madagascar, plusieurs d’entre eux ont été accrédités pour couvrir l’événement en tant que journalistes. Ils étaient dans la délégation officielle. Un comble. Cela prouve à quel point le système de régulation du métier est devenu poreux, manipulable, infiltré.
Rajoelina n’a pas seulement manipulé les médias en 2009 : il a ouvert une brèche dans laquelle s’engouffrent aujourd’hui des centaines de faux journalistes. Il a déverrouillé la profession et donné aux parasites les clés de la maison.
La vraie presse paie le prix fort
Résultat : la population ne fait plus la différence entre vrai et faux journaliste. Le doute est permanent. Le discrédit est général. Pendant que les Foza ramassent leurs billets en jouant les communicants, les vrais journalistes — eux — travaillent souvent dans des conditions précaires, avec honnêteté, mais sans reconnaissance.
La confiance est brisée. L’éthique est piétinée. Et le métier est en train de perdre son âme.
Des tentatives de résistance, mais trop timides
Certaines rédactions tentent de réagir. Elles interdisent à leurs journalistes d’accepter le moindre “felaka”. Des chartes internes sont signées. Mais tant que l’État ne nettoie pas ses propres structures, tant que les responsables de cette dérive ne sont pas désignés, rien ne changera